Dans son livre « 10 leçons sur les sondages politiques », Alexandre Dézé, maître de conférence en science politique à l’Université de Montpellier, révèle les dessous des enquêtes d’opinion. Des baromètres faussement scientifiques selon lui et à la fiabilité contestée. Ces estimations sont erronées dans près d’un scrutin sur deux, à la veille des élections.
Les sondages, une grande manipulation ? C'est l'une des questions que France 3 Occitanie a posé au chercheur montpelliérain Alexandre Dézé.
"Les sondages, il faut s’en méfier pour différentes raisons. Il y a une croyance très répandue en France comme quoi ils reflètent l’opinion publique, sont capables de mesurer les rapports de forces politiques, voire de prédire l’avenir. On se rend compte en les étudiant de près que ce n’est pas vraiment le cas."
Sont-ils une photographie de l’opinion ?
C’est une expression utilisée par les sondeurs, une expression assez pratique pour justifier a posteriori d’éventuels ratages. L’opinion est quelque chose qui n’existe pas, fabriquée de manière artificielle. Les sondages produisent plutôt des rapports de force entre candidats qui n’ont pas beaucoup de lien avec la réalité. Tous les sondages qui sont réalisés plusieurs mois avant un scrutin sont assez éloignés de la réalité finale.
On pourrait dire que c'est une photographie floue et on peut rajouter qu'elle est mal cadrée !
Il y a une grosse dose de pifomètre.
Alexandre Dézé, auteur de "10 leçons sur les sondages politiques"
Ce n’est pas moi qui le dit mais l’ancien responsable d’un des plus gros instituts de sondage français, la SOFRES. Dans les redressements, c’est-à-dire la correction des résultats bruts, il y a une dose de pifomètre. On peut s’en étonner étant donné la place des sondages dans la vie politique. On imagine mal d’autres professions agir comme ça. Un dentiste qui vous soigne les dents au pifomètre, très rapidement il fermerait boutique !
A quoi servent les sondages ?
Je reformulerais en disant : à qui ils servent ? D’abord aux acteurs politiques. Et même s’ils connaissent les limites des sondages, ils s’en servent un peu comme une boussole. Le service d’information du gouvernement a commandé entre 2019 et 2022 pour 14 millions d’euros de sondages à 6 instituts. Toutes ces enquêtes sont précieuses et utiles pour avoir des informations sur la perception qu’ont les citoyens du gouvernement.
Ils servent aussi aux médias qui s’en abreuvent en quelque sorte. En 50 ans, la production de sondages pour l’élection présidentielle a été multipliée par 40. On est passé de 14 sondages en 1965 à 560 en 2017. On perçoit ici le besoin croissant des médias. Ca s’insère de plus en plus dans la chaine de fabrication de l’information. Les sondages peuvent même permettre, si leurs résultats sont spectaculaires, de faire le buzz. C’est exactement ce qu’il s’est passé autour d’Eric Zemmour à l’automne dernier.
Peuvent-ils influencer les électeurs ?
On pourrait croire que oui, mais en fait non. C’est démontré par l’effet de « tierce personne ». Quand on demande à une personne si elle se sent influencée par les sondages dans ses décisions ou ses choix électoraux, elle va vous répondre NON. Quand on reformule cette question et on lui demande : est-ce que les autres vont être influencés par les sondages ? Elle répond OUI. Tout le monde est influencé sauf soi-même donc au final personne ! Les sondages interviennent dans toute une série de variables mais ne jouent pas sur les comportements électoraux. Les sondages ne font pas l’élection !
Retrouvez notre entretien avec Alexandre Dézé dans Dimanche en politique ce 3 avril 2022 à 11h30 sur France 3 Occitanie.
Emission spéciale face à la presse pour débriefer la campagne de l’élection présidentielle vue d’ici.
Les invité(e)s :
- Coralie MOLLARET, journaliste politique pour le media en ligne Objectif Gard
- Xavier TERRIEN, journaliste à Radio Pays d’Hérault
- Thierry BOULDOIRE, rédacteur en chef adjoint du quotidien L’Indépendant / Groupe La Dépêche
- Yann VOLDOIRE, rédacteur en chef adjoint de l’hebdomadaire la Gazette de Montpellier