Fin du suspens pour la célèbre affaire du "Mediator". Le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement ce lundi 29 mars, à la mi-journée. Dans cette affaire hors-norme, plus de 6 500 personnes sont constituées parties civiles.
L'affaire du Mediator : des années d'instruction, huit mois d'audience, 7 000 parties civiles et un dénouement attendu ce lundi 29 mars. Le jugement du tribunal correctionnel de Paris doit être rendu à la mi-journée.
Pour ce procès hors-norme, la justice a mobilisé des moyens inédits. Pour la 1ère fois, le délibéré sera retransmis en direct, dans deux salles de la cour d’appel de Montpellier. L'occasion pour les nombreuses victimes de suivre la lecture.
120 victimes défendues par une avocate montpelliéraine
Dans la capitale héraultaise, 120 victimes sont défendues par Catherine Szwarc, avocate. Parmi ses clients, Nadia Malepeyre, 74 ans, a pris le médicament pendant 12 ans, jusqu'à apprendre - par voie de presse - le risque encouru.
J’avais entendu ça aussi à la télévision, qu’il y a avait des gens qui mouraient du médiator. Et je me suis dit peut-être que ça va m’arriver à moi. Je voyais mes enfants, j’avais peur, comme j’étais seule à les élever.
Après 22 ans de Mediator, Patrick Labat se souvient lui aussi du jour où il a appris sa toxicité. "J’ai pleuré et je me suis dit, c’est quand même assez grave ce qu’il se passe. J’espère qu’il n’arrivera plus rien dans les laboratoires, c’est assez grave, il y a eu beaucoup de décès, on prend un médicament pour se soigner, pas pour mourir".
Scandale révélé en 2010
Consommé pendant plus de 30 ans par cinq millions de personnes en France, le Mediator, un antidiabétique largement détourné comme coupe-faim, a été retiré du marché en novembre 2009. Il pourrait être responsable sur le long terme de 500 à 2 100 décès, selon différentes études.
C'est en 2010 que le scandale a été révélé par la pneumologue Irène Frachon. Selon elle, les répliques du séisme Mediator se ressentent encore aujourd'hui : "l'affaire a été un des marqueurs de la rupture de confiance, elle a créé un climat de défiance. Cela a engendré une très grande confusion : les gens ne savent plus à qui se fier, on le voit pendant la pandémie", exprime la lanceuse d'alerte.
10 millions d'euros d'amende requis
Pendant les huit mois d'audience, le tribunal a tenté de comprendre comment ce médicament avait pu rester commercialisé trente-trois ans malgré les alertes sur sa dangerosité dès les années 90.
Sur le banc des prévenus, les laboratoires Servier, deuxième groupe pharmaceutique français, sont poursuivis pour "tromperie aggravée", "escroquerie" et "homicides et blessures involontaires". Mais aussi l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) pour "homicides et blessures involontaires" par négligence.
10 millions d’euros d’amende ont été requis contre six sociétés du groupe Servier. Cinq ans de prison dont trois ferme et 200 000 euros d’amende ont également été requis contre Jean-Philippe Seta, l’ex-bras droit de Jacques Servier, le patron-fondateur du laboratoire, décédé en 2014.
Par ailleurs, l’accusation a également demandé une amende de 200 000 euros à l’encontre de l’Agence nationale de sécurité.
Résumé des différentes décisions de justice :
- 31 juil 2015 : la cour administrative d'appel de Paris confirme la responsabilité de l'Etat envers une victime, après le tribunal administratif en 2014, car le retrait aurait dû intervenir "au plus tard" en 1999.
- 22 oct 2015 : saisi par deux malades, le tribunal de grande instance de Nanterre reconnaît pour la première fois la responsabilité civile des laboratoires Servier qui ne pouvaient "ignorer les risques". Le jugement est confirmé le 14 avril 2016.
- 25 avr 2016 : fin de l'enquête des juges d'instruction.
- 27 oct 2016 : la cour d'appel de Versailles déboute une cinquantaine de personnes qui, sans être malades, invoquaient leur préjudice d'anxiété. Douze avaient obtenu des indemnités en première instance début 2016.
- 9 nov 2016 : la faute de l'Etat commence à la mi-1999, juge le Conseil d'Etat, mais il n'a pas à indemniser les victimes car les fautes de Servier l'exonèrent.
- 24 mai 2017 : le parquet de Paris demande le renvoi devant le tribunal correctionnel des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament dans le volet principal du scandale du Mediator.