L'obésité face à la Covid-19 : lutter contre la "grossophobie" et la culpabilisation des malades

Dans les services de réanimation, 80% des victimes de la covid-19 souffrent d'obésité. Une maladie que pouvoirs publics et société continuent d'assimiler à tort à de mauvaises habitudes alimentaires. A Montpellier, la ligue contre l'obésité se bat contre les clichés et pour le suivi des malades.

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Au moins une fois par an, Catherine Fabre vient en consultation à l'hôpital St Eloi. Ici, il y a 12 ans, l'équipe du pôle digestif lui a diagnostiqué une obésité chronique. Une libération pour elle : "Curieusement, savoir que j'avais une maladie m'a soulagée. Ce n'était pas ma faute si je grossissais, malgré tous mes efforts."

Quarante ans de régime

Depuis l'enfance, Catherine lutte contre son poids. Elle était un peu ronde, faisait de la danse classique et rêvait d'intégrer le conservatoire de sa ville. Lors des sélections, le célèbre chorégraphe, Roland Petit, lui explique qu'elle a tout ce qu'il faut pour devenir ballerine et doit juste perdre quelques kilos. Il lui conseille un cours préparatoire et lui donne rendez-vous l'année suivante.

Le début d'une spirale infernale. "Dans cette école de danse, aucun professeur ne me voulait dans son ballet, à cause de mes rondeurs. Ma mère m'a mise au régime. C'est comme ça que mon enfer a commencé", raconte Catherine, très émue à l'évocation de ces longues années de privation et de culpabilisation.

40 ans de régimes, une multitude de sports essayés au fil des années, des heures de vélo, jusqu'à 40 kilomètres le week-end avec son club à l'adolescence, de la musculation 7 à 8 heures par semaine à l'université... Malgré ses efforts, l'obésité s'installe. Et avec elle, les moqueries et les regards culpabilisants.

C'est un regard entendu quand on mange une glace, une personne qui vous pousse pour passer parce que vous prenez trop de place. Difficile aussi de trouver sa taille dans un vêtement qui vous plaît. Vous n'avez le droit de rien.

Catherine Fabre

Recours à la chirurgie

Après un parcours médical compliqué, où l'incompréhension, voire le rejet, de certains médecins n'est pas le moindre obstacle à surmonter, et une estime de soi au plus bas, Catherine, soutenu par son mari Jean-Jacques, a repris espoir grâce à sa rencontre avec le professeur David Nocca. Le chirurgien et son équipe travaillent au pôle digestif du CHU St Eloi à Montpellier. En 2008, l'obésité de Catherine est qualifiée de morbide (ou massive, comme les spécialistes préfèrent dire aujourd'hui), avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40 qui met sa vie en danger. Catherine sera opérée quelques années plus tard. Une chirurgie bariatrique (une sleeve ou réduction d'estomac) lui a permis de perdre une quarantaine de kilos. Mais accepter son obésité comme une maladie n'a pas tout réglé. "Je suis malade, je l'accepte. Mais après?" se demande Catherine, "Le regard des autres, les messages culpabilisants sont toujours là." 

J'explique ma maladie et quelqu'un finit toujours par dire: "oui, mais si tu mangeais mieux..." Alors que je mange équilibré et que je marche 25 kilomètres par semaine.

Catherine Fabre

Stop à la grossophobie

L'histoire de Catherine fait écho à celles de toutes les personnes qui souffrent d'obésité, quel que soit leur âge ou leur parcours, dans une société où la minceur est valorisée .

Pour Chloé Picque-Vallet, psychologue clinicienne, les patients qui souffrent d'obésité et viennent dans son cabinat médical ont de nombreux points communs. "Ils ont tous fait tous les régimes qui existent, font des efforts colossaux pour mincir, et se sentent rejettés, par la société, leur famille parfois, sans oublier la discrimination au travail. Pour tous, l'estime de soi est en miettes".

Un constat que la Ligue contre l'obésité a fait aussi. Cette association, créée en 2014 à Montpellier, a mis en place une plateforme nationale d'appel. Par mail (aide.obesite@liguecontrelobesite.org) ou téléphone (appel gratuit au 04 48 206 206), les coordinateurs conseillent, encouragent et orientent vers les professionnels de santé qui peuvent prendre en charge les personnes obèses comme elles doivent l'être. "On reçoit des appels au secours, c'est vraiment ça, de personnes qui ne savent plus que faire ni où aller pour lutter contre l'obésité, et de plus en plus, de parents qui nous contactent pour leurs enfants," témoigne Noëlle Bastide, coordinatrice de parcours au sein de cette structure mise en place en 2016.

Une maladie chronique

Reconnue comme une maladie par l'organisation mondiale de la santé en 1997, l'obésité est toujours associée en France aux campagnes nutrition santé et à leur célèbre slogan "mangez moins, bougez plus". Des campagnes de prévention qui n'ont pourtant pas diminué le taux d'obésité.

"Les plans nationaux nutrition santé (PNNS) avaient pour objectif de faire baisser le taux d'obésité de 20% dans la population. Dans le même temps, ce taux a augmenté de plus de 8%", s'agace Mélanie Delozé, secrétaire genérale de la ligue contre l'obésité.

Il faut arrêter les messages culpabilisants et cesser d'associer obésité et surpoids. L'obésité est une maladie chronique, comme le diabète. Une meilleure hygiène de vie, c'est bien mais cela ne soigne pas.

Mélanie Delozé, secrétaire générale Ligue contre l'obésité

L'obésité est une maladie multifactorielle, irréversible quand elle est installée comme la définit l'Inserm (insitut national de la santé et de la recherche médicale). On y retrouve une part génétique, mais des éléments psychologiques entrent en jeu, tout comme des troubles alimentaires ou des traumatismes liés à des "accidents de la vie". Selon son évaluation, modérée, sévère ou massive, elle engendre des pathologies associées, comme le diabète, ou des problèmes cardiaques ou pulmonaires. La reconnaître comme une affection longue durée permettrait de mieux prendre en charge ceux qui en souffrent.

C'est l'objectif pragmatique que poursuit la ligue contre l'obésité. Avec une autre bataille, lutter contre la "grossophobie" et faire changer le regard de la société sur les personnes qui en souffrent. Le combat d'une vie pour Catherine Fabre. 

Retrouvez un résumé de cet article dans le reportage tourné par France 3 Occitanie.

 

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