Paris Moscou, quelle stratégie pour le Rassemblement national ?

Les liens entre l'extrême droite française et la Russie éclatent au grand jour en 2014 et l'histoire du prêt accordé à Marine Le Pen mais ils datent en réalité de 1917. Cette relation est mise en perspective par deux universitaires.

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"L'histoire de l'extrême droite française avec ses amis russes est du domaine de la longue durée". Depuis la révolution bolchevique de 1917. L’historien Nicolas Lebourg (CNRS-université de Montpellier) et le professeur de relations internationales Olivier Schmitt (Centre d’études sur la guerre de l’université du Sud-Danemark) reviennent sur les liens dans leur livre Paris-Moscou, un siècle d’extrême droite (éditions du Seuil). 

La géopolitique tient une place particulière dans ces relations. Certaines extrêmes droites ont vu Moscou comme un rempart à Washington et sa société du melting-pot. "Lorsqu'elle se présente pour la première fois à l'élection présidentielle en 2012, Marine Le Pen a besoin d'une doxa géopolitique qu'elle expose ainsi clairement: "s'appuyer sur la Russie aujourd'hui c'est créer le véritable espace européen de l'Atlantique à l'Oural, l'Europe des patries poursuivant leurs intérêts nationaux et associés dans une communauté de civilisation, bien éloigné du modèle communautariste ultralibéral américain vers lequel l'Union européenne nous conduit." (extrait du livre)

Modèle politique

La chute de l'Union soviétique et l'ère Poutine ont dessiné un nouvel arc : la Russie devient un modèle politique, et exerce une influence directe sur les formations françaises. Mais rien n'est gratuit pour Vladimir Poutine. Il tient à rappeler qu'un soutien de sa part implique en retour approbation de sa politique étrangère. Le RN allié de Poutine ? Une commission d'enquête parlementaire sur les ingérences étrangères a conclu que le RN était "une courroie de transmission" de la Russie. 

Mais face à la radicalisation de la Russie dans son opposition idéologique à l'Occident et sa déclaration de guerre à l'Ukraine, le RN doit concilier son ambition électorale avec le fait que la large majorité des Français condamne l'agression russe contre l'Ukraine. 

Questions à Nicolas Lebourg

Pourquoi être parti de 1917 et la Révolution bolchévique pour expliquer les liens entre l’extrême droite et la Russie ?

C’est doublement fondamental. Pour la Russie, ceux qui vont refuser la révolution bolchevique vont émigrer et leur destination phare c’est la France. Et c’est un moment phare aussi pour la France. L’expression "extrême droite" existe depuis 1820, depuis la Restauration.

Mais jusqu’à la première guerre mondiale, il n’y a que les élites qui se positionnent sur le clivage droite - gauche et cela se massifie avec la 1ère GM. Les gens du peuple vont commencer à se dire de droite ou de gauche et ceux qui vont être le plus opposés à la révolution bolchevique vont avoir tendance à dire qu’ils sont l’extrême droite.

Donc les liens entre extrême droite et Russie n’ont pas du tout commencé avec Marine Le Pen.

Pourquoi la Russie attire autant l’extrême droite ?

Le lointain est toujours l’espace où se réalisent vos idées lorsque vous êtes très minoritaires. L’extrême gauche française, elle a rêvé du Vénézuéla, de Cuba, de révolution en Afrique, c’est normal, ils sont tiers-mondistes. Non, c’est parce qu’ils sont extrémistes et que quand vous n’arrivez pas politiquement à peser sur votre scène politique nationale, vous rêvez de ce qu’il se passe à l’étranger comme ce qui pourrait être le futur pour votre propre pays.

Quand ils regardent la Russie, les extrémistes français voient ce qu’ils pourraient rêver pour chez eux.

Quand ils regardent la Russie, les extrémistes français voient ce qu’ils pourraient rêver pour chez eux. Avec des fantasmes très divers puisqu’on a vu aussi bien des néonazis rêver de la Russie soviétique en disant qu’après tout, elle pourrait être le royaume de l’homme blanc opposé à Israël et aux juifs parce que fasciné par l’antisionisme de Staline.

Et aussi bien des gens qu’on appelle les néo-eurasistes qui nous expliquent que la Russie c’est formidable parce que toutes les ethnies et les religions s’y retrouvent et les gens vivent ensemble. Donc, on projette exactement son fantasme sur un pays lointain et puissant comme ça.

Le Rassemblement national est accusé d’être une courroie de transmission de Poutine. Peut-il en pâtir au regard de ses objectifs électoraux ?

Au niveau du discours, il y a une nette différence avec Jordan Bardella moins enclin à aller vers la Russie, à être aussi russophile que Marine Le Pen. Avec une réalité des chiffres :  il y a près de 75% des 18-25 ans en France qui considèrent que la Russie est une puissance ennemie.

Pour Marine Le Pen, cela devient un argument permanent contre elle et on voit bien que Jordan Bardella essaie de sortir de ce corner-là, de se dire que ce n’est pas aussi fondamental, au niveau où ils sont, à la proximité de la prise du pouvoir, d’être à ce point marqué comme agent d’une puissante extérieure. Mais la forme de pouvoir d’un Vladimir Poutine, c’est attrayant pour l’extrême droite.

Au niveau régional, comment se positionne Louis Aliot, le maire de Perpignan ?

Louis Aliot est un historique du camp modéré. Le profil qui était le plus proche de lui par rapport aux années 80, c’est Pierre Sergent, député de Perpignan et ancien capitaine de l’OAS. Une grande partie de l’action culturelle du maire Louis Aliot est autour du souvenir de l’Algérie française. L’un comme l’autre ont toujours été hostile aux antisémites à l’intérieur du parti.

C’est une ligne de fusion des droites, pas d’union des droites. J’ai beaucoup suivi sa campagne des municipales et il y avait des moments où j’écoutais du François Fillon, des moments où j’écoutais du Emmanuel Macron : libérer les énergies des entreprises, les dynamiques du territoire. Il y avait quelque qui empruntait un peu à toutes les droites. Cela pose toute la question de la stratégie du RN.

Le RN a toujours besoin d’avoir une politique de normalisation, qu’il préfère à dédiabolisation pour s’intégrer au système. Mais en même temps, jusqu’où on s’intègre au système sans perdre son identité, sa différence qui fait que l’on vote pour vous. Et plus on arrive près du pouvoir, plus c’est compliqué. Il y a la volonté de mettre plus de libéralisme dans le Rassemblement national en disant que c’est ce qui va déstresser les cadres supérieurs, les retraités, qui permet de faire une assiette majoritaire à l’élection. C’est comme ça que ça marche à Perpignan.

Le territoire de l’ex Languedoc-Roussillon vote beaucoup Rassemblement national. Pourquoi ?

Nous sommes sur un territoire qui est particulier. Quand vous regardez les violences contre les lieux de cultes musulmans en France entre 1986 et 2016 l’essentiel se fait dans un triangle Toulouse, Lyon, Marseille. C’est le triangle des violences islamophobes en France. Cela montre qu’il y a une crispation particulière dans le sud de la France et dans notre région contre la société multiculturelle. On le voit dans le vote pour le RN,

 

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