Près de Montpellier, pour soigner la dépression, la clinique de La Lironde s'appuie sur ses patients partenaires

Un Français sur cinq connaît dans sa vie une dépression. Une pathologie, souvent stigmatisée ou minimisée. Pour lutter contre ces clichés qui culpabilisent les malades, la clinique psychiatrique de Saint-Clément-de-Rivière s'appuie sur un programme d'éducation thérapeutique des patients.

Quand Florance Bourles franchit les portes de la clinique de la Lironde à Saint-Clément-de-Rivière, près de Montpellier, elle a le sourire aux lèvres. Entre l'établissement psychiatrique et la cinquantenaire dynamique, c'est une longue histoire. Elle a été soignée ici plusieurs fois pour dépression.

Mais quand elle y retourne aujourd'hui, c'est pour aider les autres patients, aux côtés de l'équipe soignante. "J'ai fait ma première dépression après la naissance de ma fille, il y a 30 ans, mais maintenant que je connais bien la maladie, je sais que j'ai ce mal-être en moi depuis l'adolescence au moins", explique celle qui est devenue une "patiente experte" de la dépression. "Je joue ici un rôle inverse, j'aide mes pairs à voir qu'on peut s'en sortir."

j'aide mes pairs à voir qu'on peut s'en sortir. Parler de la maladie quand on l'a vécue, c'est différent. On se comprend, on peut se parler sans jugement et c'est un riche complément de ce qu'apportent les soignants.

Florance Bourles, patiente experte

Des patients partenaires

Quand elle était soignée au sein de la clinique, Florance a suivi le programme d'éducation thérapeutique du patient (E.T.P.) proposé par l'équipe du docteur Mulle. "Ce programme m'a donné une boite à outils où j'ai trouvé les méthodes nécessaires pour m'aider, parce que c'est compliqué de se débrouiller quand on est face à nous-mêmes, de retour à la maison", raconte Florance.

Ce programme innovant, le seul reconnu par l'ARS dans le traitement de la dépression, la clinique de la Lironde le propose à une soixantaine de patients chaque année. "Nous le proposons à des patients hospitalisés, quand ils vont mieux. Des patients qui ont connu des récidives, pour lesquels la dépression est récurrente", précise Charlotte Mulle, psychiatre et coordinatrice de l'équipe d'éducation thérapeutique. 

La première étape, c'est que le patient accepte que la dépression est une maladie. En la comprenant mieux, il va parvenir à lutter contre.

Charlotte Mulle, psychiatre

L'éducation thérapeutique considère le patient comme un partenaire à part entière de sa guérison, aux côtés de l'équipe soignante. Ce programme dure quatre semaines avec des ateliers d'activités physiques, de méditation de pleine conscience, d'estime de soi, par petits groupes de huit à dix personnes, avec des entretiens individuels. Chaque patient a également un référent parmi les membres de l'équipe, un interlocuteur unique pour régler les éventuelles difficultés et adapter si nécessaire le programme. 

L'équipe est pluridisciplinaire : infirmier, aide-soignant, psychologue, médecin, art thérapeute, diététicienne ou enseignant en activités physiques adaptées se retrouvent régulièrement dans des réunions de débriefings, pour faire le point sur la situation des patients et sur le programme. Florance Bourles y participe aussi : de patiente partenaire, elle est devenue "experte". Elle a suivi des formations et anime maintenant un groupe de paroles au sein du programme d'éducation thérapeutique. 

Eviter les rechutes

L'éducation thérapeutique du patient existe dans toutes les pathologies mais rendre le patient acteur de son traitement est particulièrement intéressant et efficace dans le traitement de la dépression. Une conviction que le docteur Mulle met en place à la clinique de la Lironde depuis 2015. Avec un objectif fort : éviter les récidives. "On peut avoir un épisode dépressif unique, cela concerne la moitié des cas", détaille t-elle, "pour les autres, il y aura une ou plusieurs récidives, cela dépend des épisodes de vie, parce qu'il y a des facteurs déclenchants, des épisodes de stress qui favorisent les rechutes". 

En petits groupes, en partageant les mêmes activités pour favoriser notamment l'estime de soi et la confiance, les patients prennent vraiment conscience de ce dont ils souffrent. "Ils ont entendu que c'était de la mauvaise volonté, qu'ils n'avaient qu'à se bouger un peu plus. Alors quand ils sont d'accord avec l'idée que c'est une maladie, ils peuvent faire ce qu'il faut pour s'en sortir".

Les patients apprennent à la fois que c'est une maladie et qu'elle n'est pas inéluctable. On peut sortir grandi d'une dépression.

Charlotte Mulle, psychaitre Clinique de la Lironde

Pour éviter les rechutes, préparer la sortie des patients est très important. Une fois sortis de la clinique, ce sera à eux de gérer leur risque de dépression. Toute l'équipe travaille en ce sens. Comme Kévin Caparos dans la salle de sport de la clinique. En apparence, il dirige de simples séances adaptées à la condition physique de chaque patient. En pratique, il travaille aussi sur l'amélioration de l'estime de soi. "Souvent les personnes qui souffrent de dépression souffrent aussi d'une mésestime corporelle. L'activité physique aide aussi à faire baisser le niveau de stress. Et puis on travaille le lien social, pour éviter l'isolement et le repli sur soi, fréquents chez les patients.

On essaie de faire en sorte que le patient continue à l'extérieur toutes les activités qui lui auront fait du bien pendant son séjour en clinique. Comme s'inscrire dans un club sportif, pour maintenir le lien social.

Kévin Caparos, enseignant en activités physiques adaptées

Lutter contre la stigmatisation

La difficulté de détecter assez tôt une dépression, de faire la différence entre une simple déprime passagère ou un véritable épisode dépressif favorise la stigmatisation des patients. Et les culpabilise. "Aujourd'hui encore, il y a une méconnaissance sur ce qu'est vraiment la dépression, c'est encore tabou", explique Dimiti Fiedos, pyschiatre à la clinique et au CHU de Montpellier. "Pourtant, deux millions et demi de Français souffrent de dépression. Et cette pathologie a des conséquences sur les malades et sur leurs familles."

Mais les clichés ont la vie dure. Ils empêchent souvent une prise en charge précoce de cette maladie, qui, mal ou non diagnostiquée, peut entraîner des tentatives de suicides. "Une dépression, ce n'est pas simplement un coup de mou, une déprime", précise le docteur Fiédos, "il est important de savoir identifier les symptômes." 

Une dépression se traduit par des symptômes de tristesse, une absence de plaisir à faire des choses pendant au moins deux semaines. Ce qui provoque une gêne fonctionnelle : on ne peut plus vivre normalement.

Dimitri Fiédos, psychiatre

La dépression est la première cause de tentative de suicide en France. Des suicides qui causent chaque année la mort de 12 000 personnes, trois fois plus de décès que les accidents de la route. Un numéro de prévention des suicides a d'ailleurs été mis en place début otobre, le 31 14

Pour lutter contre les clichés de la dépression, et pour sensibiliser le grand public aux risques d'une dépression non soignée, la Clinique de la Lironde, en partenariat avec le CHU de Montpellier, participe à une conférence débat gratuite, demain samedi 16 octobre au Corum. Elle s'inscrit dans le cadre des semaines d'information sur la santé mentale. Florance Bourles l'organise, avec l'association qu'elle préside "France dépression Hérault". Une autre façon pour elle d'aider les autres et de montrer à tous qu'on peut sortir de la dépression. Et parfois même, en sortir plus fort qu'avant la maladie.

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