Une femme de 25 ans est décédée d'une méningite foudroyante, mi-octobre, avant d'arriver au CHU de Montpellier. Ses proches accusent les secours de ne pas avoir pris en charge la victime, malgré des symptômes très inquiétants et leurs appels répétés au Samu. Une enquête a été ouverte par le parquet de Montpellier et l’ARS a lancé une procédure.
Ce drame est survenu le 15 octobre dernier, quand Juliette - son prénom a été changé - se rend chez son amie, inquiète de la savoir mal en point : elle a vomi toute la nuit, souffre de courbatures intenses avec de la fièvre et a du mal à respirer.
Elles appellent le SAMU ensemble, décrivent ces premiers symptômes et précisent que la jeune femme est asthmatique.
Juliette passe le téléphone à son amie souffrante pour qu'elle parle directement au régulateur et quand cette dernière réclame de la morphine tant ses douleurs dans le corps lui font mal, là, le SAMU répond, "calmez-vous, Madame !', d’un ton très méprisant", affirme Juliette.
Trois appels en vain
"Je reprends le téléphone pour demander si une ambulance peut venir la récupérer, car je ne suis pas véhiculée et que mon amie ne peut plus bouger, ni sortir du lit. Très rapidement, ils me disent qu’il n’y a personne qui peut venir et qu’il faut que je l’amène là-bas, à une adresse qu'ils me donnent."
"J’ai eu un gros sentiment de mépris, alors qu’on était en train d’appeler à l’aide. Les conseils qu'ils nous ont donnés, comme 'buvez de l’eau avec du sucre', c’était très bateau. J’ai l’impression que sa douleur et son mal-être n’étaient pas du tout entendus et qu’on les dérangeait", raconte cette jeune femme qui souhaite rester anonyme.
Lors du deuxième appel, une demi-heure plus tard, le Samu refuse de nouveau d'envoyer une ambulance et leur conseille d'aller voir un médecin. Les deux jeunes femmes n'ont pas de voiture et l'état de la victime se dégrade sérieusement.
"Je vois tout en blanc, je vais mourir"
Au téléphone, Juliette décrit à nouveau les premiers symptômes et rajoute que son amie s'est évanouie dans l’après-midi, elle a le corps qui brûle à l’intérieur, ne sent plus ses membres inférieurs, ses mains sont totalement crispées. Un second opérateur conseille une douche chaude et la prise de médicament de type Doliprane. Dans la salle de bains, des taches apparaissent sur le corps et le visage de la victime.
Juliette trouve une voiture trois heures après le premier appel au SAMU. Elle rappelle encore les secours sur le trajet. "On avait à peu près 15 minutes de route. Dans la voiture, elle nous raconte qu’elle voit tout blanc, qu’elle a du mal à respirer et qu’elle va mourir. Je lui donne sa Ventoline, on essaye de la rassurer parce qu’on se dit que peut-être elle fait une crise d’angoisse. Elle perd connaissance, on a essayé de lui faire des massages cardiaques", raconte encore Juliette.
En vain. La jeune femme, âgée 25 ans, décédera quelques minutes avant d'arriver à l'hôpital d'une méningite aiguë foudroyante.
Je suis très en colère contre eux et surtout très triste. Je veux que justice soit faite, je n’ai pas envie que ce soit oublié et que ça recommence parce que ça n’aurait pas dû arriver. Elle aurait dû être prise en charge à 15h. Elle serait peut-être encore là actuellement.
Juliette, amie de la victime
"Trop tôt pour parler de dysfonctionnement"
Fallait-il envoyer une ambulance au plus vite ? Le Samu, qui traite 35 millions d'appels par an, évite de le faire systématiquement pour ne pas engorger les hôpitaux. "Je ne dirais pas s’il fallait envoyer une ambulance ou pas, il est trop tôt pour parler de dysfonctionnement", affirme Louis Soulat, vice-président du Samu - Urgences de France par téléphone. "Mais en pratique, dès lors qu’il y a plusieurs appels d'un même patient, il faut être très vigilant, être attentif à chaque appel, à l'évolution et s'adapter à chaque patient."
Au vu de l’évolution, ce qui est sûr, c’est qu’il fallait une prise en charge rapide.
Louis Soulat, vice-président Samu - Urgences de France
"Au vu de l’évolution, ce qui est sûr, c’est qu’il fallait une prise en charge rapide. Contre la méningite, ce qui ce qui prime, c’est l’administration précoce d'un traitement antibiotique qui doit être pris dans une structure médicale. Tous les ans, il y a des décès par méningite. C’est une maladie qui évolue très vite, mortelle dans 10 à 15 % des cas. Dans le cas d’une patiente jeune, on peut penser que le traitement antibiotique aurait été efficace", conclut Louis Soulat.
Enquêtes en cours
La famille de la victime, qui était juriste dans les services de Ville de Montpellier, a porté plainte contre les pompiers et le Samu 34 pour non-assistance à personne en danger. Le parquet a été saisi, une enquête judiciaire a été ouverte.
De son côté, le CHU de Montpellier, où la jeune femme a été déclarée décédée après avoir été prise en charge aux urgences d'une polyclinique, s'est engagé, par communiqué, à apporter en toute transparence les précisions nécessaires à la compréhension des circonstances exactes du décès.
L’Agence régionale de santé (ARS) a lancé une mission d’inspection sur les conditions de prise en charge de la jeune montpelliéraine, le jour du drame.