Opération "testing" de SOS Racisme, vendredi 3 mars à Montpellier. Par équipes, les membres de l'association ont testé plusieurs établissements de nuit, soupçonnés de pratiquer une discrimination raciale, à l'entrée. Une discothèque de Saint-Jean-de-Védas risque d'être poursuivie en justice.
Chez les membres de SOS Racisme, cette virée en boîte, c'est du sérieux : un appartement a été loué spécialement pour l'occasion au centre-ville de Montpellier. Tous les bénévoles qui participent à cette opération "testing" s'y retrouvent avant d'aller arpenter les rues de la vieille ville.
Les femmes sont élégantes, tout comme les hommes : les tenues vestimentaires, soignées, doivent être quasi identiques pour que la seule différence visible soit la couleur de peau.
Leur objectif : tester quatre bars et boîtes de nuit soupçonnés de discrimination raciale.
"On essaye d’abord de faire rentrer le groupe typé et si eux ne passent pas mais que le groupe "contrôle" -qui, lui, est composé de personnes blanches- passe juste après eux, on voit très bien qu’il y a un problème de discrimination", explique Cassandra, jeune militante de SOS-Racisme de Montpellier.
Ce soir là, trois établissements vont être testés au centre ville : Thierno, Ciré et Mya, deux hommes et une femme originaires d'Afrique subsaharienne, vont s'y rendre en premier. Téléphone en main, ils vont filmer discrètement ce qui se passe à l'entrée. Ces vidéos serviront de preuve en cas de refus.
Pour Mya, c'est une première : "L'injustice vis-à-vis des noirs dans ce monde, cela ne devrait plus exister en 2023 et je suis là pour lutter contre ça ! " explique la jeune testeuse d'un soir.
Premier bar, aucun problème à signaler, pas de difficulté non plus dans les deux autres établissements de nuits testés en ville.
La soirée est très fraîche, les vacances d'hiver s'achèvent, la ville est plutôt calme pour un vendredi soir.
"C'est parce qu'on est noirs ?"
C'est dans une discothèque de Saint-Jean-de-Védas, dans le banlieue de Montpellier que, finalement, cela va coincer : il n'y a pas de file d'attente dehors pourtant, les videurs leur barrent l'accès au lieu.
Ils ont demandé combien on était, on a dit trois et direct, ils nous ont dit que ce n’était pas possible. On leur a demandé pourquoi ? Tout ce qu’ils nous ont répondu, c’est que c'était comme ça. On a insisté un peu, on a demandé si c’est parce que on était noirs, ils ont continué à dire, "c’est comme ça", sans autre explication.
Ciré, testeur pour SOS Racisme
Cinq minutes plus tard, le groupe "contrôle", composé deux hommes et d'une femme de type européen, lui, entre sans difficulté dans la boîte de nuit. Pour les membres de SOS racisme, c’est net : il y a discrimination.
Poursuites judiciaires
SOS Racisme va déposer plainte contre cet établissement. L'antenne de Montpellier rappelle que la discrimination raciale est punie de cinq ans de prison et de 75.000 euros d'amende lorsqu'elle est effectuée dans un lieu recevant du public.
"On ira en justice pour que ces établissements fassent l’objet de sanctions exemplaires. Nous attendons des préfets qu’ils usent de leurs prérogatives et qu’ils prononcent des fermetures administratives, parce que la discrimination raciale, c’est un trouble à l’endroit public," tempête Valentin Stel, responsable de l'opération pour SOS Racisme.
C’est inacceptable en 2023, c’est pour ça que nous nous mobilisons pour faire avancer les choses et forcer les professionnels du monde de la nuit à revoir leurs pratiques.
Valentin Stel, SOS Racisme
Lors de précédents testings, réalisés dans des discothèques au début des années 2000, quatre établissements de nuit sur cinq discriminaient, selon ce militant parisien. "A l'époque, sur 34 villes testées, il y avait eu discrimination dans 31 villes ! D'immenses progrès ont donc été réalisés, notamment du fait de notre action" souligne-t-il.
Simultanément à Toulouse, d'autres membres de l'association ont mené la même opération dans cinq établissements du centre ville, ce vendredi 03 mars 2023 : là, aucune discrimination n'a été constatée.
Cette méthode de lutte contre les discriminations, utilisée de façon récurrente aux Etats-Unis, a été importée en France dans les années 1990 par SOS Racisme.
En septembre 2000, le "testing" a été admis comme mode de preuve valable devant la justice pénale, par la Cour de cassation avant d'être reconnu à part entière par la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006.