Mort d'un homme au commissariat de Béziers : bataille autour des conclusions de l'autopsie, sur fond d'affaire Floyd

Le 8 avril au commissariat de Béziers, Mohamed Gabsi décédait après son interpellation par 3 policiers municipaux pour violation du confinement. Sa soeur fait aujourd'hui le parallèle avec l'affaire George Floyd, rapport d'autopsie à l'appui. Des conclusions tronquées et hâtives, selon le procureur.

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Il est rare qu'un procureur sorte de sa réserve et publie l'intégralité d'un rapport d'autopsie et d'un rapport toxicologique. C'est ce que vient de faire Raphaël Balland, procureur de la République de Béziers, en réponse aux accusations portées par la sœur de Mohamed Gabsi, décédé le 8 avril dernier au commissariat de la ville :

 

La sœur du défunt a estimé opportun de diffuser à la presse une partie des conclusions du rapport d'autopsie qui avait été notifié par le magistrat instructeur à son avocat le 13 mai 2020. Toutefois, les extraits communiqués à la presse n'étant que parcellaires, il convient de faire connaître la totalité des conclusions du rapport d'autopsie qui démontrent que la recherche de la vérité sur cause du décès est plus complexe que l'interprétation actuellement donnée par cette sœur du défunt.

 

Arrivé inconscient au commissariat

 

Interpellé pour violation du couvre-feu mis en place pendant le confinement lié à la crise sanitaire du coronavirus, Mohamed Gabsi avait résisté, avant d'être menotté et maintenu à plat ventre dans le véhicule de police pendant son transfert au commissariat, où il était arrivé inconscient et était décédé malgré les tentatives de réanimation des secours appelés sur place. L'un des policiers municipaux aurait reconnu s'être assis sur ses fesses. Voici ce qui ressortait des premiers éléments de l'enquête :

 

 

Information judiciaire pour violences volontaires et non-assistance

 

Le 11 avril, le procureur de la République de Béziers Raphaël Balland décidait de l’ouverture d'une information judiciaire contre X pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission et non-assistance à personne en péril. Les investigations ont été confiées au SRPJ de Montpellier.

Une autopsie, des analyses toxicologiques et anatomopathologiques étaient aussi diligentées.

 

 

Plusieurs facteurs associés ?

 

C'est ce rapport d'autopsie qu'Houda Gabsi a choisi de révéler partiellement à la presse cette semaine. Si les experts précisent que "la cause du décès au terme de l'autopsie ne peut être précisée avec certitude", plusieurs facteurs "paraissent associés" :

 

Une participation cardiaque par survenue de troubles du rythme d'origine plurifactorielle (toxique et neurologique). Un syndrome asphyxique (mécanique par compression cervicale et positionnel).

 

Le "plaquage ventral" pointé du doigt par la famille

 

Le rapport liste la présence sur le corps du défunt de stigmates liés à la réanimation, de stigmates cutanés au niveau des membres supérieurs liés à la maitrise de l'individu, de signes de chutes récentes notamment sur les genoux, mais aussi :

 

  • Compression cervicale antérieure gauche par une surface large, ayant été prolongée et appuyée à l'origine d'infiltrations musculaires, fracture de la corne thyroïdienne et contusion du nerf vague,

 

  • Syndrome asphyxique macroscopiquement a minima.

 

Parallèle avec George Floyd, pour la sœur du défunt

 

Il n'en fallait pas plus à Houda Gabsi pour se demander si la position ventrale dans laquelle son frère a été maintenu durant son transport au commissariat de Béziers ne serait pas à l'origine de sa mort. Une affaire qui rappelle celle de George Floyd à l'origine des mouvements de protestation actuels aux Etats-Unis.

L'avocat de Houda Gabsi, maître Jean-Marc Darrigade, n'hésite d'ailleurs pas, niant toute intention de récupération :

 

Vous ne pouvez pas empêcher Houda Gabsi de faire le parallèle : cela rappelle largement ce qui est arrivé à George Floyd, d'autant que l'un des policiers aurait reconnu s'être assis sur les fesses de Mohamed Gabsi dans la voiture.

 

Une "instrumentalisation" pour l'avocat des policiers

 

Un parallèle que rejette l'avocat des 3 policiers municipaux, maître Luc Abratkiewicz. Il précise que ses clients, au contraire du policier impliqué dans l'affaire George Floyd, sont de jeunes policiers qui n'ont jamais eu de problème disciplinaire et qui ont fait leurs preuves. Il évoque une "manipulation" et une "instrumentalisation judiciaire" du dossier :

 

La présomption d'innocence est bafouée, c'est pénible ! Mes clients se sont expliqués, s'expliqueront et sont à la disposition de la justice, ils ne cherchent pas à se cacher. Ce soir-là, ils ont eu à faire face à une situation compliquée. Mais ils n'ont pas le sentiment d'être allés au-delà de ce qui est permis par la loi. 

 

 

Consommation de cocaïne peu avant le décès

 

Des conclusions prématurées, selon le procureur Raphaël Balland, qui dit se voir contraint, dans ce contexte, de rendre public le rapport toxicologique.

Celui-ci fait état d'une "consommation récente de cannabis sous forme inhalée, probablement dans les six à huit dernières heures de vie" et surtout une "concentration très importante de cocaïne dans le sang alors que cette molécule est rapidement dégradée", ce qui "indique une dernière prise à courte distance du décès". Les experts concluent :

 

L'analyse toxicologique est en faveur de la survenue du décès dans un contexte d'intoxication aiguë suite à une prise massive de cocaïne, d'évolution potentiellement létale en elle-même. 

 

Mohamed Gabsi aurait-il pu décéder d'une surdose de drogue ? Maître Jean-Marc Darrigade reconnaît que la cocaïne est "potentiellement létale quelle que soit la dose", mais "hélas pour lui, Mohamed Gabsi était un toxicomane de longue date, son corps était habitué".

L'avocat estime toutefois que le procureur de la République de Béziers "a eu raison et que communiquer l'intégralité du rapport est une bonne chose".

De son côté, l'avocat des 3 policiers, maître Luc Abratkiewicz, s'agace de la communication médiatique des deux parties :

 

C'est exaspérant ! Tout le monde dans ce dossier parle dans la presse alors que moi, je ne peux pas parce qu'on ne m'a rien notifié. Et pour cause : juridiquement, pour l'instant, mes clients n'existent pas car ils ne sont pas poursuivis à ce jour.

 

Un dernier rapport attendu en juillet

 

L'enquête n'est toutefois pas terminée. Les dernières analyses, dites "anatomopathologiques", sont toujours en cours et ne seront connues qu'à la mi-juillet 2020. Seul cet examen approfondi des organes du défunt sera susceptible de confirmer ou d'infirmer un éventuel syndrome asphyxique.

Raphaël Balland précise également que :

 

De nombreuses autres investigations sont également en cours sous la direction du magistrat instructeur aux fins de rechercher la vérité sur les causes du décès. Ce n'est qu'après avoir reçu et analysé l'ensemble de ces éléments, que le magistrat instructeur décidera notamment s'il doit ou non mettre en examen, ou placer sous le statut de témoin assisté, une ou plusieurs personnes.

 

Quel écho dans l'opinion ?

 

En clair : pour connaître les causes du décès de Mohamed Gabsi, il faudra patienter. D'ici là, l'affaire pourrait susciter l'émotion dans l'opinion. Sur les réseaux sociaux, les messages évoquant l'affaire sont déjà nombreux. Dans une interview à nos confrères de Midi Libre, Paul Barbazange, figure historique du PCF biterrois, évoque déjà des similitudes avec la situation américaine :

 

Nous n’assimilons pas la situation des États-Unis à la situation française mais dans les deux cas, on parle de violence sociale. La violence policière n’en est qu’une expression. Aux États-Unis, c’est d’abord de la ségrégation raciale. George Floyd est noir. Comme la victime à Béziers est maghrébine.

 

Un rapprochement qui fait bondir Luc Abratkiewicz, représentant des 3 policiers :

 

On essaye de mettre le feu, c'est aberrant ! Dans quelle société on vit ? Tout le monde réclame que la justice fasse son travail, mais en même temps, on fait pression dans la rue ! On ne condamne pas les gens avant qu'ils soient jugés. Respectons ces principes.

 

Un appel à rassemblement pour réclamer "justice pour George Floyd" est d'ailleurs lancé devant la stèle de Jean Moulin à Béziers, samedi 6 juin à 11 heures.

 

 

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