Nous sommes à Sète. Construit dans les années 70, le quartier de l'Ile de Thau, bâti sur une île de 28 hectares, a vu l'arrivée de plusieurs familles de toutes origines. Aujourd’hui, les habitants forment une communauté unie, fière de ses origines, et du patrimoine que forme leur habitat. Dans ce quartier prioritaire, il y a des problèmes, comme partout ailleurs, mais il y a aussi la mer tout autour. Et ça, ce n’est pas rien.
En passant près des gros bacs verts à l’entrée de l’Ile de Thau, l’odeur des poubelles qui ont fermenté au soleil nous rappelle, d’abord, qu’on est dans un quartier du sud de la France comme les autres. Des vêtements sèchent aux fenêtres des bâtiments,des petits jouent sur un terrain de foot. Mais c’est derrière eux que l’on aperçoit le but de notre voyage.
Quand tu grandis ici, tu as plusieurs manières de t’échapper. La mer, ça donne des idées.
Maïdy, habitant de l'Ile de Thau à Sète
En avançant un peu, au virage d’un petit chemin, s’ouvre la mer Méditerranée. La cité est plantée au milieu de l’eau. "Quand tu grandis ici, tu as plusieurs manières de t’échapper, s’exclame Maïdy, un habitant. La mer, ça donne des idées. Il y a beaucoup de films connus qui se sont fait ici."
Un quartier d’artistes
Et puis il y a la musique. Celle des clapotis de la mer qui joue en bas, sur les cailloux, et celle de Kader et sa bande, qui grattent des refrains millénaires sur des vieilles guitares. "Sète, et ce quartier en particulier, attirent beaucoup d’artistes, commente cet ancien producteur de musique hip-hop. Ça fait longtemps que je fais de la musique et je continue d’en faire avec mes amis. On n’est pas là pour nous la raconter.
On est des artistes. Et quand je dis qu’on est des artistes, je le dis vraiment sans prétention, je ne parle pas du succès, et je ne dis pas qu’on est des stars. L’art, c’est notre trace de passage à chacun sur cette terre. Peu importe l’audience ou le nombre de followers, c’est accessoire. Le plus important, c’est qu’il faut que ça vibre, que ce soit vivant. Et ici c’est encore le meilleur endroit pour le faire."
Tris et torticolis
Il y a des promesses qu’on n’oublie pas, et il y a des éducations qui forgent les hommes et les femmes qui les ont reçues. Quand on a grandi au bord de l’eau, ce n’est pas pareil. Le soir, les rayons jaunes du soleil sont partis,et tout est calme.
On n’est pas loin des merguez qui grillent sur le barbecue, entre l’ancienne école de Morad et la mer. "Tu vois ma place elle était là, dit Morad en nous montrant la fenêtre du doigt. Quand j’étais petit, j’avais des torticolis parce que je regardais la mer tout le temps. Je m’envolais, je partais. Il fallait que le prof répète mon nom plusieurs fois pour que je revienne." Morad a fini par répondre à cet appel qui lui tordait le cou.
Je me souviens aussi que quand je n’étais pas bien, je me posais sur un rocher face à la mer et je triais mes soucis
Morad, habitant de la cité
Il a fait son sac et il a beaucoup voyagé. Le bob vissé sur la tête il continue de raconter. "Je me souviens aussi que quand je n’étais pas bien, je me posais sur un rocher face à la mer et je triais mes soucis. Aujourd’hui encore il m’arrive de le faire, et ça me soigne, vraiment."
Au milieu du béton, ou au milieu de l’eau, on prend la couleur de son environnement. Ce doit être à force d’avoir regardé l’horizon, à la lisière de la mer, que Morad a fini par avoir la même couleur dans les yeux.