"Je me suis fait cracher dans l'oeil par un enfant de 10 ans", témoigne Marion. Des enseignants de Béziers parlent de leur sentiment d'isolement et des difficultés de plus en plus importantes pour enseigner. Le rectorat tente de trouver des solutions.
Il y a le suicide d'une directrice d'école épuisée en Seine-Saint-Denis le 22 septembre dernier. Il y a aussi cette agression violente filmée d'une institutrice à Agde. Ces malheureux événements démontrent un malaise de plus en plus présent parmi la profession d'enseignant. Sentiment d'isolement, culpabilité de mal faire son travail, peur des parents d'élève, nous avons voulu en savoir plus auprès de ces professionnels qui aiment leur métier et l'exercent avec passion et conviction. Nous avons rencontré plusieurs enseignants à Béziers, ils témoignent anonymement.
Tout d'abord, il y a Marion (nom d'emprunt). À 35 ans, elle est directrice d'école entre Montpellier et Béziers et ne travaille pourtant pas dans un quartier ou une banlieue difficile. Elle aime son travail mais n'arrive plus à supporter les petites agressions quotidiennes. Son métier devient pesant. "Des parents prennent l'habitude de hurler sur les enseignants pour un jouet confisqué et beaucoup de parents placent la parole de leurs enfants au dessus de la parole des enseignants". Elle n'est pas épargnée par ses propres élèves d'école primaire :
Il y a aussi Olivier (nom d'emprunt), 39 ans. Il est instituteur en CM2 avec des classes de 30 élèves dans un petit village près de Béziers. Alors qu'il exerce depuis 16 ans, il a vu les conditions de travail se dégrader. "Les parents ne donnent plus de crédit à ce que je dis, je me fais hurler dessus devant les élèves par des parents pour des lunettes perdues". Il rajoute : "Je ne tiens plus au courant ma hiérarchie car je sais qu'il ne se passera rien".Je me suis fait cracher dans l'oeil par un enfant de 10 ans. Marion
C'est compliqué d'expliquer les choses aux parents. Olivier
La parole des enseignants n'a plus de valeur
Le secrétaire départemental du syndicat national des écoles, Matthieu Verdier, lui-même directeur parle d'un gros malaise chez le personnel enseignant. Le syndicat des directeurs d'école (SNE34) a noté quelques 90 agressions d'enseignants en maternelle et en primaire depuis le début de l'année dans l'Hérault."Les enseignants font face à un sentiment d'impunité des parents, qui se sentent tout permis". Il attend des actes fort et plus d'écoute de la part de sa hiérarchie : "Toute insulte, toute menace, doit être remontée et prise en compte".
Trop souvent, il y a des inspecteurs qui reçoivent des parents sur le dos des enseignants.
Un sentiment d'isolement omniprésent
Selon Alain Bergnes, directeur d'école à la retraite après 16 ans d'exercice. Il est à la retraite depuis un an. "La hiérarchie n'a plus confiance en ses instituteurs. Les enfants ne sont plus les mêmes, ils n'ont plus le respect des enseignants. Les instituteurs se sentent de plus en plus isolés entre une hiérarchie qui ne leur fait pas confiance et des parents qui ne croient plus que l'enfant".Chaque fois qu'un enseignant fait une petite erreur, vraiment, toute la hiérarchie lui tombe dessus.
Le rectorat tente de trouver des solutions
Dans l'Hérault, la rectrice a lancé un plan de lutte académique contre les violences scolaires. Dans une réponse très policée, Christophe Mauny, directeur académique des services de l'Éducation nationale de l'Hérault évoque l'événement d'Agde comme "un cas extraordinaire. Il ne peut pas se généraliser à l'ensemble des établissements scolaires".
Dans un entretien, Christophe Mauny recontextualise l'agression de l'institutrice d'Agde. Il ajoute : " La rectrice a demandé que tout personnel victime d'une agression se signale à sa hiérarchie".
Le directeur académique de l'Hérault souhaite également instaurer des procédures dans chaque école sur le lien entre parents d'élèves et les professeurs. Il reste encore à évaluer l'efficacité de ces mesures sur le terrain.