Ça s'appelle l'irrigation raisonnée. Montblanc vient de donner le coup d'envoi. 150 hectares de vignes de cette commune héraultaise sont désormais irrigués par goutte à goutte. Cette technique qui permet une récolte plus homogène doit être étendue à l'ensemble du vignoble du Languedoc-Roussillon.
La première goutte saluée par une salve d'applaudissements. Ce mercredi à Montblanc, ils étaient nombreux à inaugurer le système d'irrigation mis en place sur le domaine de Bellevue. Et pour cause. Ce système financé en majeure partie par les collectivités territoriales et l'Europe devrait devenir, à terme, la règle générale pour le vignoble du Languedoc-Roussillon.
Un financement largement subventionné
40% de l'installation du goutte à goutte est financé par l'Europe, 17,5% par la région Languedoc-Roussillon et autant par le Département de l'Hérault. Reste la communauté de communes qui a mis la main à la poche pour 5% des dépenses et le reste est pris en charge par BRL. Au total, l'irrigation ne devrait pas trop peser sur un secteur déjà sinistré. Les irriguants participent à l'opération à hauteur de 1000 euros par hectare.
L'irrigation raisonnée : un enjeu de qualité
Irriguer la vigne n’est pas un fantasme de technocrate. La succession de millésimes secs depuis quelques années et l’annonce d’une augmentation de la fréquence du phénomène préoccupent de nombreux viticulteurs.
Denis Carretier, le président de la chambre régionale d'agriculture, l'a expliqué récemment : « Un stress hydrique trop important a deux conséquences fâcheuses. La première est une baisse du rendement. La seconde, une altération de la qualité du fruit. C'est un peu la situation que l'on a connue l'an passé avec une baisse de 30 % de la production au niveau régional. Quand cela se produit, il devient difficile de sécuriser notre place sur le marché. »
Sortir de la crise
Au-delà de ces aspects « sécheresse », l’irrigation raisonnée de la vigne serait un moyen de sortir de la crise viticole. Cela pourrait permettre de consolider puis conquérir de nouvelles parts de marché face aux vins des pays du Nouveau Monde (plus de 90 % d'entre eux ont recours à l'irrigation au goutte à goutte).
Pour Fabrice Rieu, président de Vinisud, «ce qu'il faut bien avoir en tête c'est que, sorti des pays européens, la culture du millésime n'existe pas. Pour l'export, il faut des vins doux et souples, de qualité constante. L'irrigation au goutte à goutte permet la maîtrise du volume produit et le maintien de la qualité».
Le goutte à goutte déjà expérimenté
La maîtrise du stress hydrique permet donc d’influer sur le rendement et la qualité du vin. Dans le Sommiérois, plusieurs parcelles irriguées au goutte à goutte depuis quelques années ont permis de mettre en évidence le maintien de la qualité du raisin d’une année sur l’autre, voire même une certaine amélioration.
S’ajoute à cela des gains de production pouvant aller jusqu’à + 30 % avec des apports en eau très faibles (1 mm/jour sur 17 à 38 jours).
La meilleure synthèse des sucres, observée sur ces parcelles, nécessite cependant une adaptation des pratiques culturales, notamment pour maîtriser la teneur en alcool du vin. C’est une des raisons pour lesquelles un programme de formation est prévu pour les viticulteurs qui vont irriguer leurs parcelles.
Le projet de généralisation du goutte à goutte couplé au développement d'Aqua Domitia
150 hectares cet été, 4000 hectares d'ici fin 2015 et 15 000 hectares d'ici 2020. La région Languedoc-Roussillon prévoit donc une accélération de l'installation du goutte à goutte à l'ensemble du vignoble. Pour ce faire, un outil incontournable : l'Aqua Domitia. Autrement dit le développement du canal et de ses ramifications permettant d'utiliser l'eau du Bas Rhône. Dans l'immédiat, à Montblanc, c'est le canal du Midi et l'Orb qui sont sollicités pour le goutte à goutte mais BRL est largement associé à l'opération et l'utilisation prochaine de l'eau du Rhône permettrait de minimiser une des principales critiques face à l'irrigation des vignes : l'appauvrissement des ressources en eau, notamment dans la plaine de l'Hérault en déficit chronique dès que les périodes dites "de recharge", à savoir le printemps et l'automne, sont moins pluvieuses que la moyenne.
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