La colère des psychologues : "Le gouvernement prend des mesures inacceptables dans notre dos"

De nombreuses organisations professionnelles et syndicats de psychologues se mobilisent le 10 juin dans une quarantaine de villes en France. En Occitanie, des mobilisations se tiennent à Montpellier, Nîmes, Perpignan et Toulouse. Ils dénoncent les mesures prises récémment par le gouvernement. 

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« Nous demandons au Gouvernement et aux Pouvoirs Publics d’arrêter de se moquer des psychologues ». Très remontés, de nombreuses organisations professionnelles et syndicats de psychologues appellent dans un communiqué à manifester aujourd’hui 10 mai dans une quarantaine de villes. En Occitanie, des mobilisations se tiennent à Montpellier, Nîmes, Perpignan et Toulouse.

Les psychologues dénoncent les mesures et les rapports rédigés depuis plusieurs mois par le gouvernement. Dans leur viseur notamment : le rapport de la Cour des Comptes sorti en février qui préconise un remboursement des psychologues libéraux « à des tarifs dérisoires » selon eux et les forfaits 100% psy enfants annoncés par Emmanuel Macron en avril.

Ce dispositif de 10 séances remboursé par la Sécurité Sociale s’adresse aux mineurs afin de lutter contre les effets psychologiques de la crise du Covid-19. Mais pour les psychologues, il « réduit de manière caricaturale leurs compétences » et le compte n'y est pas. Ces séances sont plafonnées à 22 euros alors que leurs tarifs sont généralement compris entre 40 et 70 euros. 

Nous avons recueilli les revendications de 3 psychologues à Nîmes et à Montpellier. Deux sont très en colère et manifesteront, l’un a hésité jusqu'au dernier moment mais il ne se rendra pas dans la rue.

  • Elise Allirol – Psychologue au CHU de Nîmes – Elue CGT

"Je ne vois pas comment continuer mon métier tout en respectant mon éthique professionnelle. Pour la 1ère fois, je songe à arrêter".

Il en fallait pour faire douter à ce point Elise Allirol. Une passionnée qui croît en la « complexité des relations humaines et à l’autonomie des patients ». C’est en terminale qu’elle découvre sa vocation. A seulement 18 ans, la lycéenne dévore les livres de Marie Hennezel sur l’accompagnement des personnes en fin de vie et écoute attentivement les cours de philosophie sur l’inconscient.

S’en suivent 5 années d’études, de multiples stages, des remplacements en temps partiel puis en tant que contractuelle. Et enfin la titularisation, 9 ans après avoir obtenu son diplôme. Aujourd’hui, à 37 ans, Elise Allirol travaille dans le service de médecine et de chirurgie au CHU de Nîmes. « J’accompagne des patients dans des moments de vulnérabilité, dans la maladie ou après des accidents. Mon but est de proposer un espace de parole en parallèle des soins corporels ».

Les forfaits 100% psy enfants critiqués 

La précarité, le manque de moyens, elle connaît. Au CHU de Nîmes, seulement 23 psychologues sur 74 sont titularisés pour le moment. Lorsqu’elle tente de diriger des patients vers des centres médico-psychologiques (CMP) – des établissements publics qui proposent des consultations à toute personne en difficulté psychique – la professionnelle fait toujours face à des délais monstres. Mais jamais, elle n’avait eu envie d’abandonner son métier.

Les forfaits 100% psy enfants remettent en cause le code déontologique des psychologues. Avec ce dispositif, un médecin doit prescrire une consultation mais ce principe va à l’encontre du libre accès des soins. Or, on doit reconnaître et respecter l’autonomie psychique des patients.

Elise Allirol, psychologue au CHU de Nîmes

Guère optimiste sur l’issue de cette mobilisation, Elise Allirol a distribué tout de même ce matin, à l’appel de la CGT, des tracts à l’hôpital de Nîmes puis se rendra avec des collègues devant la préfecture de Montpellier à 13h30.

  • Laurence Halimi – Psychologue au CHU de Montpellier – Elue CGT

On y a cru cette fois-ci. Tous les jours, la presse et les politiques parlaient d’une augmentation des troubles psychologiques dans la population à cause de la crise sanitaire. Forcément, le gouvernement allait prendre en compte notre profession et au final il prend des mesures inacceptables dans notre dos. Il y a de quoi être en colère. J’ai un p***** de bac + 8, je sais ce que je fais.

Laurence Halimi, psychologue au CHU de Montpellier

Le mot est lâché et il témoigne de toute la rage de Laurence Halimi, pourtant habituée à maîtriser ses émotions. Proche de la retraite, la psychologue et docteur en psychologie travaille au CHU de Montpellier au service de pneumologie et en psychiatrie en unité de soins intensifs. Dans son cabinet : des personnes atteintes de maladies aigües et chroniques ou des patients dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres. Autant dire que l’élue CGT sait garder son sang-froid.

On ne veut pas être subordonné à un médecin. Aujourd’hui, avec les forfaits 100% psy enfants, un médecin non formé peut prescrire un nombre de séances. C’est absurde. Au bout d’une séance, je ne sais même pas comment de temps durera une thérapie. Et puis être limité à 10 séances de 30 minutes, c’est scandaleux ! On veut aussi être libres de nos méthodes et ce n’est pas ce qui est prévu avec ce dispositif.

Laurence Halimi, psychologue au CHU de Montpellier

Comme de nombreux collègues, Laurence Halimi se sent également écartée du Ségur de la Santé. Contrairement aux soignants, les psychologues ont été exclus de certaines mesures du 1er Ségur et de toutes les valorisations salariales du 2ème Ségur. 

La docteure en psychologie ira défendre ses idées dans la rue et fera partie de la délégation qui sera reçue cette après-midi à la préfecture de Montpellier.

  • Raphaël Jovenin - Psychologue au CHU de Montpellier

Manifester ce jeudi ? Raphaël Jovenin hésitait encore jusqu'à hier soir mais finalement il ne se mobilisera pas. Ce psychologue de 33 ans spécialisé dans l’autisme  n’était pas nécessairement d’accord avec toutes les revendications de ses collègues. Principal sujet de discorde : l’abrogation des arrêtés du 28 décembre 2018 et du 10 mars 2021.

Ces-derniers visent à mettre en place une plateforme de coordination et d’orientation où les psychologues attesteraient de leurs diplômes, parcours et expériences. Un dispositif qui définirait l’expertise spécifique des psychologues. Pour Raphaël Jovenin, cette mesure permettrait aux patients d’accéder à une nouvelle offre de soins et on aurait tort de les en priver.

Manque de concertation 

Raphaël Jovenin est psychologue depuis 6 ans à l’hôpital de Montpellier. Avec certains de ses collègues, il est aussi dubitatif quant à l’opposition ferme et définitive à la création d’un ordre des psychologues. Il estime que ce sujet mérite d’être débattu car il pose en biais la question du remboursement des soins.

Mais à l'inverse, il dénonce comme les syndicats à l'origine de la mobilisation le mode d’élaboration des textes par les autorités étatiques : la profession n’a pas été consultée. Il déplore également le manque cruel de moyens, notamment dans les hôpitaux : « Nous avons un retard considérable par rapport à la situation aux Etats-Unis, au Canada ou même en Italie. Les progrès sont très lents ici ». Il souligne aussi le problème des déserts médicaux et le manque de structures adaptées.

Avec un Bac +5 en poche, Raphaël Jovenin gagne actuellement seulement 1600€ par mois (il va bénéficier d’une augmentation de 183€ à la fin du mois). Il ne compte pas ses heures et profite peu de ses vacances. Il a embrassé sa carrière dans le service public par vocation.

On ne peut pas faire de concessions sur la santé. Tout le monde doit pouvoir y accéder. On a tendance à voir le soin comme un coût mais en réalité, c’est un investissement.

Raphaël Jovenin

Quand il parle d’avenir, Raphaël Jovenin imagine un monde où les frais de psychologues seraient remboursés par la Sécurité Sociale. Visionnaire ou utopique ? Ce praticien est en tout cas engagé.

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