Jusqu'ici, dans les Pyrénées-Orientales, tous les troubles mentaux se traitaient à Thuir. A partir de lundi prochain, un pôle proche de l'hôpital de Perpignan accueillera les séjours courte durée et les mineurs de moins de 16 ans. Pour des soins moins stigmatisants qu'en hôpital psychiatrique.
Des simples dépressions aux troubles mentaux lourds, dans les Pyrénées-Orientales, toutes des pathologies mentales étaient jusqu'ici traitées à l'hôpital psychiatrique de Thuir, la seule structure publique du département. A partir de lundi prochain, Thuir déplace près de l'hôpital de Perpignan deux de ses services : celui des séjours courte durée et l'accueil des mineurs de moins de 16 ans. L'aboutissement d'un projet qui a débuté en 2004. Pour une prise en charge plus ciblée et surtout moins traumatisante des adultes souffrant de pathologies mentales "légères" et des jeunes.
Banaliser l'accueil en psychiatrie
Pour les patients qui connaissent leurs premiers troubles comme pour les enfants, le pôle santé mentale de Perpignan qui les prendra en charge dès lundi prochain représente un vrai changement.
L'objectif est de destigmatiser la prise en soins psychiatriques des mineurs et des patients ayant un premier contact avec ce milieu médical.
Le centre hospitalier de Thuir, qui fête ses 50 ans cette année, est reconnu pour ses soins mais reste néanmoins marqué de l'image d'"HP", hôpital psychiatrique à connotation négative ou inquiétante pour bon nombre de gens. Permettre des consultations et des accueils "en ville", tout près de l'hôpital de Perpignan, va modifier la donne, même si Thuir n'est qu'à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu des Pyrénées-Orientales.
"La symbolique d'aller à Thuir n'est pas forcément bien vécue" admet Fabienne Guichard, la directrice de l'établissement de Thuir.
Aujourd'hui, une des questions importantes des enfants qui viennent à Thuir, c'est : "Qu'est-ce que je vais dire quand je vais retourner au collège, au lycée, pour justifier cette absence?" Le fait de nous rapprocher de l'hôpital de Perpignan banalisera ces soins.
Sans compter le véritable lien fonctionnel qui s'établira avec l'hôpital de Perpignan juste à côté. Car la demande en santé mentale est importante dans le département. Aujourd'hui, sur les 55 mille passages annuels aux urgences de Perpignan, près de 10% concernent des consultations psychiatriques.
Favoriser la réinsertion des jeunes malades
Le premier étage du pôle de santé mentale sera entièrement dédié aux mineurs, enfants et adolescents jusqu'a 16 ans, soit 9 lits pour les plus jeunes qui sont pour l'instant dans un secteur spécifique à Thuir. Une fois à Perpignan, les soignants pourront utiliser au mieux les ressources de la cité pour réinsérer les ados, notamment scolairement. Car beaucoup d'entre eux ont des phobies scolaires. Ce sont des enfants fragiles avec des familles parfois très impactées par la crise adolescente.
Pour tous ces jeunes patients, c'est l'ensemble du service médical qui les suit de Thuir à Perpignan. Des pédopsychiatres, des psychologues, des infirmiers, des assistants sociaux, des psychomotriciens et des aides-soignants qui pourront également s'appuyer d'avantage sur des partenariats extérieurs et les infrastructures comme les piscines, gymnases ou médiathèques pour relier l'enfant à la ville.
L'accueil des 16-18 ans en projet
Le pôle de santé mentale devrait aussi permettre dans quelques temps de créer un service nouveau, un accueil pour les plus grands de 16 à 18 ans. Pour l'instant, ceux-ci sont hospitalisés à Thuir avec les malades adultes, ce qui ne favorise pas leur convalescence.
"Pour les 16/18 ans, c'était le réglement dans tous les HP", explique le pédopsychiatre, "ils étaient jusque là accueillis avec les adultes"
"Une adolescente anorexique peut être accueillie dans un service avec des patients schizophrènes délirants ou des patients âgés déments. Ce n'est pas du tout favorable à une prise en charge spécifique et à une évolution sereine.
8 lits pour les 16/18 ans sont envisagés au nouveau pôle de Perpignan. Mais leur création nécessite de mettre en place toute une équipe médicale dédiée, alors qu'aujourd'hui ils sont " fondus" dans les soins des adultes. Le projet initial de Thuir était de déménager " à iso-capacité", ce qui signifiait sans augmentation de l'équipe soignante. La prise en charge spécifique de ces jeunes aura donc un coût supplémentaire qui n'est pas encore budgétisé.
De même que l'augmentation de l'accueil de courte durée pour les adultes. De 10 lits pour l'instant, le nouveau pôle pourrait s'aggrandir avec 6 lits suppémentaires, à condition qu'il y ait un renfort de personnel soignant.
Le principe de sectorisation enfin modulé
En France, quand un patient souffre de troubles mentaux nécessitant une hospitalisation, il se retrouve dans un service qui regroupe des malades non pas en fonction de leur pathologie, mais d'abord en fonction de la zone géographique qu'ils habitent dans le département. C'est l'organisation générale de la psychiatrie sur le territoire français. Et c'est vrai pour l'actuel centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir.
Chaque département est divisé en zones géographiques appelées "secteurs". Pour chaque secteur, une même équipe assure tous les soins psychiatriques, la prévention et la réinsertion sociale, pour la population habitant dans cette zone. C'est comme cela qu'un patient souffrant d'une "simple" dépression va cotoyer des patients aux pathologies beaucoup plus lourdes lors de son séjour en hôpital psychiatrique.
Dans les Pyrénées-Orientales, la création de ce pôle santé mentale proche de l'hôpital de Perpignan va enfin moduler ce principe, puisque les patients n'y seront accueillis que pour de courts séjours, donc pour des pathologies au départ moins invalidantes et dans un climat plus serein.