Le "plan loup" 2013-2017 avait été ciselé pour mieux protéger les troupeaux, sans déclarer la guerre totale au prédateur. Quelques mois plus tard, rien ne va plus. Les éleveurs veulent une action plus musclée, et les écologistes retiennent le bras du gouvernement par voie de justice.
"On est dans une tension forte, et ça ne va pas être simple de "manager" la gouvernance du plan loup" finalisé en mars, déclare Christophe Castaner, président du Groupe National du Loup (GNL) qui supervise le plan.
Ce plan 2013-2017 se voulait la meilleure réponse possible à l'équation complexe posée par le retour naturel du loup au début des années 1990, dans les Alpes.
L'idée étant de respecter cette "espèce protégée", toujours plus nombreuse, tout en aidant des éleveurs desespérés par la multiplication des attaques contre leurs troupeaux (5.848 bêtes tuées en 2012).
Adopté à l'unanimité par des associations écologistes, éleveurs, etc., membres du GNL, ce plan a fait passer de 11 à 24 le nombre maximum des loups pouvant être tués par an, après autorisation, soit 10% de sa population totale.
Or, les écologistes viennent de priver l'Etat d'un outil dont il venait à peine de se doter: l'autorisation donnée aux chasseurs de tuer un loup dans le cadre de leurs battues habituelles aux gibiers, dans trois départements de Provence Alpes-Côte-d'Azur (PACA).
Cette décision inédite du ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, avait été prise après un été particulièrement sanglant pour les troupeaux.
Mais des associations écologistes ont saisi le tribunal administratif de Nice qui a finalement suspendu la semaine dernière ces autorisations, estimant qu'elles n'étaient pas assez encadrées.
"Victoire pour le loup !", ont réagi les associations. Mais mauvaise nouvelle pour l'Etat qui avait choisi cette voie pour pallier les défauts des autres options autorisées, et notamment les "tirs de défense renforcée", grande nouveauté du dernier "plan loup".
Il s'agit, après trois attaques d'un même troupeau, d'autoriser jusqu'à une dizaine de chasseurs à se poster à proximité afin de tuer le prédateur.
"Les éleveurs et la ruralité menacés"
L'idée est notamment "d'éduquer" l'animal, en lui faisant comprendre qu'il prend "un risque en s'approchant du troupeau", explique M. Castaner, député des Alpes de Haute-Provence.
Or, "on voit les limites" de cette méthode, admet-il. "Le loup est un animal malin, super mobile. On met en place le tir de défense renforcée à proximité du troupeau, deux heures après il est ailleurs, et le lendemain, l'attaque se produit à trois kilomètres de là", explique-t-il, même s'il appelle à donner du temps à la méthode pour qu'elle s'améliore et monte en puissance.
L'autre grande option reste le "tir de prélèvement", opération lourde et "extrêmement coûteuse"? selon M. Castaner, qui mobilise une compagnie de louveterie ou des fonctionnaires de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONFCS) pendant plusieurs jours, à la recherche d'une meute, et qui finit par tuer un loup sans lien avec une attaque.
De leur côté, à bout, les éleveurs dénoncent un plan loup "inadapté".
"Si le loup n'est plus une espèce en danger, les éleveurs de nos montagnes sont menacés", assurent ceux de la région PACA qui veulent que les loups soient régulés par meute ou encore que les tirs de défense soient autorisés au coeur des parcs naturels nationaux.
La Lozère en colère
Dimanche, le Collectif des éleveurs de la région des Causses, de la Lozère et leur environnement (Cercle) a déposé un recours devant le Conseil d'Etat contre les trois arrêtés nécessaires à la mise en oeuvre du "plan loup".
La prochaine réunion du GPL, qui aura lieu le 14 octobre, s'annonce agitée. Mais pour l'heure, le gouvernement garde le cap.
"Je ne suis pas un écologiste hors-sol", a récemment déclaré M. Martin, précisant être en contact permanent avec les éleveurs. "Pour autant", a-t-il précisé, "je souhaite que le plan loup soit appliqué dans les années qui viennent".