Le procès de Matthieu, l'assassin et violeur présumé d'Agnès, la collégienne de 13 ans retrouvée brûlée en novembre 2011 au Chambon-sur-Lignon, s'est ouvert mardi à huis clos devant les assises des mineurs de Haute-Loire.
Matthieu, 19 ans, est également jugé pour le viol commis un an plus tôt d'une adolescente de 16 ans dans le Gard. Sa remise en liberté après cette agression, sur la foi notamment d'une expertise psychiatrique favorable, avait suscité une vive polémique.
Mince et pâle, les traits juvéniles, vêtu d'un costume noir et portant des lunettes, l'accusé est entré dans le box à 9H00. Il a gardé la tête rentrée dans les épaules, visage inexpressif.
"Sa personnalité est construite avec de telles pathologies qu'on a le risque, soit qu'il se taise, soit qu'il surjoue", a souligné l'une de ses avocates, Me Joëlle Diez, refusant la publicité des débats.
"Pour moi c'est un enfant, un grand enfant. Quand on bouscule les choses, on se heurte à un possible mutisme", a-t-elle insisté.
L'avocate générale, Jeanne-Marie Vermeulin, a en revanche réclamé un procès public, souhaitant éviter "un procès parallèle dans la salle des pas perdus", et rappelant qu'une partie des débats porterait sur la "responsabilité" de la justice.
Mais la cour a tranché en milieu de matinée pour le huis clos total, après une suspension d'audience, et a fait sortir le public pour entamer le rappel de la procédure et l'examen de la personnalité de l'accusé.
Devant l'intérêt suscité par le procès, les travaux prévus dans le bâtiment ont été avancés. Une vitre blindée a été installée pour protéger le box des accusés.
"Dysfonctionnement"
Élève en troisième au collège-lycée Cévenol où elle était interne, la jeune Parisienne avait disparu le 16 novembre 2011, après une après-midi libre. Matthieu, interne et élève de première, avait lui-même participé aux recherches dans la forêt.
Très vite les soupçons s'étaient portés sur le garçon, griffé au visage. Placé en garde à vue le 17 novembre, ce "mineur très froid et sans émotion", selon le parquet, dirigeait le lendemain soir les enquêteurs vers un ravin d'une forêt des environs, où gisait le corps carbonisé d'Agnès.
Il reconnaissait alors l'avoir attirée dans la forêt sous prétexte de chercher des champignons hallucinogènes.
Outre les violences sexuelles, l'autopsie révélait que la victime avait reçu dix-sept coups de couteau. Son ADN était notamment retrouvé dans une tache de sang sur le jean porté par Matthieu ce jour-là.
Matthieu avait intégré un an plus tôt cet internat protestant dans le cadre d'un contrôle judiciaire strict après quatre mois de détention provisoire pour le viol sous la menace d'une arme d'une amie de 16 ans, dans le Gard, en août 2010.
Remis en liberté par la juge des libertés "sur réquisitions conformes" du parquet, il était suivi par la Protection Judiciaire de la Jeunesse du Gard (PJJ).
"Réinsérables"
Son père avait alors convaincu le directeur du Collège-lycée Cévenol, Philippe Bauwens, d'accepter Matthieu, astreint à un "suivi psychiatrique ou psychologique" pour "prévenir tout risque de récidive".
"On savait qu'il avait eu des ennuis avec la justice mais on n'en connaissait pas la nature. Et nous n'avions aucun contact avec les services de justice", dira plus tard M. Bauwens, insistant sur la vocation du collège à "donner une seconde chance" aux jeunes que la justice juge "réinsérables".
Dans un entretien au quotidien La Montagne, le pédopsychiatre Claude Aiguesvives, qui avait conclu à "l'absence de dangerosité" de Matthieu, s'est dit "catastrophé" par cette récidive.
"Matthieu avait une addiction énorme aux stupéfiants et aux jeux vidéos et une vulnérabilité psychologique antérieure qui a été sous-évaluée", estime celui qui témoignera au procès.
Pour Me Francis Szpiner, l'avocat de la famille Marin, il y a eu un "dysfonctionnement de l'institution judiciaire" et le sentiment de cette famille est que si la justice n'avait pas libéré une première fois l'accusé, il serait en prison et leur fille vivante.
Le verdict est attendu le 28 juin.