Après 84 ans passés dans le foin à plus de 800 km des Pyrénées-Orientales, le portefeuille de Vincent Soubielle va retrouver le village de Formiguères. L'objet a été remis par les propriétaires de la grange d'un village de Haute-Saône où il a été trouvé, aux descendants de ce soldat de la Seconde guerre mondiale.
"C'est très, très beau", souffle Laurent Soubielle, le regard embué. Dans ses mains, un petit portefeuille de cuir retrouvé il y a quelques semaines au fond d'une grange dans le village de Colombier en Haute-Saône. Grâce à la détermination de Jean-François Maillot et Angela Williamson, cet objet tout sauf anodin retrouve sa famille…
Plus de 80 ans après avoir été perdu par Vincent Soubielle, soldat de la Seconde Guerre mondiale. Un portefeuille trouvé à la faveur de travaux, avec dedans, un stylo-plume, une lettre datée du 3 avril 1940, et des photos de famille, témoins de la vie d'un engagé pour la France.
"On suppose que les troupes se sont arrêtées à la gare de Colombier, située sur une ligne stratégique pour aller le plus rapidement possible sur le front côté allemand.
Ils faisaient des haltes sur le trajet et si les officiers avaient le droit de dormir dans des chambres, pour le reste des troupes, c'était les granges à foin dans les fermes des villages.
Jean-François Maillot, propriétaire de la grange
La rencontre de deux familles
Les deux familles se sont retrouvées ce samedi 2 mars près de Béziers, pour enfin se rencontrer et se transmettre le précieux souvenir. Sur la table, une ébauche d'arbre généalogique réalisé par Angela au fur et à mesure de ses recherches, mais aussi des photos et des documents apportés par les petits-neveux et nièces du soldat.
L'émotion et les questions
Les questions fusent et l'émotion est vive, passant du rire, en écoutant les anecdotes, aux larmes, à l'évocation de cet ancêtre quasiment oublié et de l'histoire de la guerre. "On n'imagine pas une minute avoir ce genre de relation avec des gens qu'on ne connaît pas", s'émerveille Claire, la cousine de Laurent, "ils ont fait un travail extraordinaire avec beaucoup de respect."
Jean-François ne se lasse pas de raconter comment, à partir d'une photo du portefeuille, il a trouvé la trace du village de Formiguères, à plus de 800 km de sa grange : "Tous les éléments de reconnaissance sont visibles : la porte de l'église, le vitrail au-dessus, et l'horloge qui n'est pas dans l'axe." Cinq minutes de recherche sur Internet et le tampon d'un photographe installé à Prades lui ont suffi pour identifier l'édifice et commencer à décrypter la vie du soldat qui l'a égaré dans sa grange en 1940.
Un reportage de France 3
La suite, c'est France 3 qui la facilite, par une facétie du hasard, après la diffusion d'un premier reportage. "J'ai reçu un appel d'un de mes clients qui travaille à France 3 Pays catalan et qui m'a demandé si ce Vincent Soubielle ne pourrait pas être de ma famille comme on a le même nom", rapporte Laurent. Le patronyme est très répandu à Formiguères, mais quelques années auparavant, le plombier-chauffagiste avait fait faire un arbre généalogique de sa grande famille. Il en est donc certain : Vincent Soubielle est bien son grand-oncle, décédé en 1957 et enterré dans le caveau familial à Formiguères.
Ce qui est un peu compliqué dans mon cas, c’est que mon grand-père paternel a épousé une femme qui s’appelle aussi Soubielle ! Donc, en fait, Vincent Soubielle, l’homme du portefeuille, est le frère de ma grand-mère.
Laurent Soubielle, petit-neveu de Vincent Soubielle
Deux familles réunies par une belle histoire
Désormais unies par cette histoire insolite, les deux familles ne comptent pas s'arrêter là. "C'est important de reparler de toute cette époque, d'un soldat ordinaire, qui devient un soldat qui représente une majorité de soldats pendant la guerre et qui renaît à travers ce portefeuille perdu loin de chez lui", insiste Jean-François Maillot. Alors, il implore les petits-neveux et nièces du soldat : "Ne laissez pas ce portefeuille au fond d'un tiroir".
Poursuite des recherches
Qu'il se rassure, Laurent et ses vingt-deux cousins vont poursuivre leur recherche pour en savoir plus sur Vincent Soubielle et sa vie après la guerre. Une réunion de famille sera bientôt organisée pour se retrouver autour de ce portefeuille, et un projet de plaque commémorative dans le village de Formiguères est même envisagé. "La renaissance de Vincent nous fait nous retrouver", sourit Claire.
Le reportage de Marie Boscher, Alain Sabatier, Philippe Georget et Elisaveta Kibireva