La garde à vue d'un magasinier de 54 ans, interpellé mardi à Perpignan a été prolongée, mercredi, de 24 heures. Cette mesure suscite l'espoir des familles de deux jeunes filles assassinées, il y a 15 ans, et d'une troisième jamais retrouvée, d'apprendre la vérité sur ces tragédies.
Les hommes du SRPJ de Montpellier ont interpellé cet homme actuellement sans emploi et sans véritable domicile, mardi midi, dans le logement qu'il occupe actuellement à Perpignan.
La garde à vue du magasinier a été prolongée de vingt quatre heures mercredi à la mi-journée selon une source proche du dossier, pour continuer de l'interroger en premier lieu sur l'assassinat d'une étudiante en sociologie de 19 ans, Mokhtaria Chaïb, retrouvée atrocement mutilée le 21 décembre 1997, au lendemain de sa disparition près de la gare de Perpignan.
Selon son avocat, Maître Xavier Capelet, le suspect actuellement en garde à vue, nie toute implication dans les 3 affaires des disparues de la gare de Perpignan.
On devrait savoir, jeudi midi, si le parquet le défère ou non devant les deux magistrates en charge de l'affaire, pour le mettre en examen.
Les enquêteurs le recherchaient alors qu'il a fait déjà des années de prison pour des agressions sexuelles et violences dont neuf mois en 2013-2014 pour menaces de mort sur sa concubine.
"Il m'a suivie dans la rue avec un couteau, donc là, j'ai porté plainte", a expliqué mercredi cette dernière, prénommée Marie, dans une interview accordée en exclusivité à RTL.
Elle qui a eu deux enfants avec lui, pendant leur sept ans de vie commune, a semblé l'accabler, en soulignant notamment qu'il partait fréquemment "la nuit". "On se demandait ce qu'il faisait, on n'a jamais su, à part soi-disant faire le tour de la gare, c'était son lieu favori, toujours l'endroit qu'il a préféré: la gare", a-t-elle dit à la radio.
Cet homme était à Perpignan depuis quelques mois lors de la mort de Chaïb, selon des sources proches du dossier.
Son ADN, présent au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), a été rapproché d'un ADN masculin partiel prélevé sur le corps de cette jeune fille.
Son corps a été retrouvé en bordure d'un terrain vague, sa poitrine et son appareil génital prélevés de façon quasi-chirurgicale.
L'ADN de la scène de crime étant dégradé, le rapprochement avec celui du suspect ne peut constituer une identification formelle.
Six mois plus tard, le 26 juin 1998, Marie-Hélène Gonzalez, 22 ans, était retrouvée mutilée et décapitée. Elle aussi avait disparu près de la gare de Perpignan, dix jours auparavant.
Une troisième jeune fille brune, Tatiana Andujar, lycéenne de 17 ans, avait disparu dans le quartier de la gare en septembre 1995. Elle n'a jamais été retrouvée.
Un tueur en série s'en prenant aux jeunes filles brunes, a-t-il sévi aux abords de cette gare ou plusieurs criminels sont-ils liés à ces disparitions ? la question reste posée.
Une enquête longue, délicate qui dure depuis 16 ans
Une centaine de personnes ont été entendues pour résoudre ces énigmes criminelles qui ont traumatisé la ville pendant des années. Un faux médecin péruvien a même été incarcéré plus de 6 mois, suspecté du meurtre de Mokhtaria Chaïb, avant d'être remis en liberté après l'assassinat de Mlle Gonzales.
Enfin une piste sérieuse ?
Echaudées par une succession d'espoirs déçus, les familles des victimes ont fait preuve de prudence mercredi tout en exprimant leur "espoir" et en rendant hommage aux enquêteurs, lors d'une conférence de presse au cabinet de leur avocat commun, Me Etienne Nicolau.
Celui-ci a qualifié cette garde à vue de "piste sérieuse".
"Afin de préserver l'enquête", l'avocat s'est refusé à indiquer si c'était l'ADN ou bien d'autres indices qui avaient conduit les enquêteurs jusqu'à cet homme.
"Je sais quels étaient les éléments qui pouvaient être retenus contre une personne (...) j'espère que cet individu qui correspond à ce que l'on recherchait est vraiment impliqué dans les disparitions", a-t-il ajouté.
Ce n'est qu'en 2013 que les progrès scientifiques ont permis d'isoler deux ADN masculins inconnus sur la scène de crime de Marie-Hélène Gonzales et un troisième sur celui de Mokhtaria Chaïb.
Les comparaisons d'ADN ont permis d'écarter les suspects déjà envisagés, puis d'exclure des manipulations malencontreuses liées à l'enquête.
C'est le croisement récent avec le FNAEG qui vient de donner un coup d'accélérateur à l'enquête, "un rebondissement qui permet de continuer à avoir confiance", selon la mère de Tatiana Andujar. "La vérité sera toujours plus facile que ce que nous vivons aujourd'hui", a-t-elle dit.
Pour Me Nicolau, "les éléments dans ce dossier permettent une mise en cause plus facile pour l'un des crimes", celui de Moktharia Chaïb, "mais on pourra peut-être remonter aux autres criminels ou aux autres crimes par cette mise en examen, si elle a lieu. C'est pourquoi les familles ont un espoir général".