Le procès de la conductrice du car scolaire qui a été percuté, le 14 décembre 2017, par un TER, causant la mort de six collégiens, démarre lundi 19 septembre 2022, à Marseille. Voici les témoignages de parents et d'avocats.
Ophélia, Diogo, Allan, Yonas, Loïc et Teddy. Ce sont les prénoms des six collégiens tués en décembre 2017 à Millas. 17 autres personnes ont été blessées, dont la conductrice du bus.
Elle est jugée lundi 19 septembre 2022 à Marseille. Elle comparait pour homicides et blessures involontaires. Le procès va s'étendre sur trois semaines et sera retransmis à Perpignan, au palais des congrès.
La conductrice a toujours affirmé que les barrières du passage à niveau étaient ouvertes au moment de l'accident. Ce que contredisent les expertises judiciaires.
Un moment de vérité
Il est 16h06 ce jour-là, quand le car scolaire quitte le collège Christian Bourquin pour ramener 23 élèves chez eux, dans les villes et villages des alentours. Le bus franchit un passage à niveau quelques minutes plus tard. Il est percuté par un train régional, et littéralement coupé en deux.
Les magistrats du tribunal correctionnel de Marseille, spécialisés dans les accidents collectifs, mèneront les audiences dans une salle de 400 places.
Des chiens seront présents pour faciliter les échanges avec les enfants.
Pour les familles, c'est un moment de vérité.
"Je cherche à comprendre"
Ce soir-là, Sandra Chinaud devait fêter ses 34 ans. Il est 18 heures quand son téléphone sonne. "On nous appelle pour nous dire que Teddy est à l’hôpital. J’étais complètement bloquée, je n’arrivais même plus à réfléchir, ni savoir où j’étais et ce que je faisais", se souvient-elle.
Après huit heures d'attente à l'hôpital, elle peut enfin voir son fils. Il est dans un état critique.
On se dit qu'il est là, donc qu'il va s’en sortir… On a dû le débrancher quelques jours plus tard.
Sandra Chinaud, mère de Teddy
Son fils, Teddy, est décédé à l'âge de 11 ans.
Elle attend des vérités sur les circonstances de l’accident. Ce qu'explique aussi Eric Moutet, avocat de parties civiles : "mes clients cherchent dans cette procédure une forme d’apaisement, une vérité judiciaire. Ils ne vont pas vouloir nécessairement une condamnation, ce n’est pas l’objectif de la famille. Ils veulent sortir de cette procédure avec une forme de vérité."
Mon fils ne reviendra pas, mais j’ai besoin qu’on me dise oui, c’est vrai, il y a eu ça et ça. Et ne pas dire : c’est la conductrice du bus, elle tenait le volant, c’est elle, point barre et on en termine. Non ! Non… moi je cherche à comprendre.
Sandra Chinaud, mère de Teddy
Les parents des victimes vont passer des moments insoutenables, ils vont devoir tout revivre lors de ce procès.
"La victime numéro deux"
Fabien Bourgeonnier a aussi perdu son fils, Loïc.
Il a fondé l'association : "à la mémoire de nos anges". Cette dernière entend aider les victimes d'accidents collectifs et améliorer leur prise en charge.
"L’association a la volonté de contribuer à la recherche de la vérité sur les causes de ce drame afin d’éviter qu’une telle catastrophe ne se reproduise en s’engageant et en participant à toutes les actions qui le permettraient" indique le site web de l'association.
L’association veillera particulièrement à ce que chaque acteur impliqué à un titre ou un autre dans ce drame et assume ses responsabilités et notamment en termes d’informations et de transparence vis-à-vis des proches des victimes, apporter aux victimes un soutien moral, en organisant entre autres des rencontres et l’entraide entre les adhérents, l’originalité et la spécificité de l’association tenant à ce qu’elle rassemble des personnes ayant vécu des drames analogues et de faire de la prévention pour qu’un tel drame ne se reproduise plus.
Association "à la mémoire de nos anges"
Dans une vidéo postée sur Instagram, il explique que ce procès est pour lui "la deuxième chose la plus dure au monde" parce qu'il va devoir "revivre cette nuit terrible".
Au micro de journalistes de France Télévisions, il se confie sur le moment de l'annonce, "d'une atrocité insoutenable".
Ma femme m’appelle, je regardais la télé, c’est marqué sur la chaîne d’info, donc je fonce là-bas. Le fait de nous annoncer un décès, dans une salle qui n’est pas insonorisée, donc tout le monde nous entend… Vous savez systématiquement que vous allez à l’abattoir. On le sait. Moi je suis la victime numéro deux.
Fabien Bourgeonnier, père de Loïc
Il racontera le procès dans un livre et explique : "j'ai pris une peine à perpétuité".
Les élus se souviennent
L'un des premiers à arriver sur place est Roger Garrido, à l'époque adjoint à la mairie. Il raconte : "il y avait des corps. Le plus atroce c’est d’entendre les portables qui sonnent, puisque tout de suite, ça s’est ébruité. Certains avaient dû appeler leurs parents… Six enfants, pour un village, c’est énorme."
Robert Olive, alors maire de Saint-Féliu-d'Amont, ne pourra jamais oublier : "j’ai une vision épouvantable d’un bus coupé en deux par un train et des gamins couchés partout. C’est le genre de chose qu’on aimerait ne jamais voir. C’est affreux, c’est affreux, c’est affreux".
Le soir-même, Edouard Philippe, alors premier ministre, se rend sur les lieux. Il expliquera plus tard qu'il s'agit du moment le plus douloureux de son mandat.
"Obsédée par l'accident"
De son côté, l'avocat de la conductrice, Maître Jean Codognès, assure que cette dernière est "obsédée par l'accident".
Il faut quand même savoir que les enfants qui sont morts, qui ont perdu la vie, quelques-uns étaient ses voisins. C’est une femme très simple. Elle avait un attachement maternel avec ces enfants. Cette femme est détruite. On le verra à l’audience : elle est détruite.
Maître Jean Codognès, avocat de la conductrice du bus
123 parties civiles se sont constituées pour ce procès, mais elles pourraient être encore plus nombreuses au fil des jours.