Début janvier, en réaction aux propos d’Emmanuel Macron dans le Parisien, le maire de Lavaurette dans le Tarn-et-Garonne décrochait le portrait du chef de l’Etat de la salle du conseil et le renvoyait à la préfète. Aujourd'hui, l'élu porte plainte contre le président de la République.
Au lendemain des propos du chef de l’État qui, dans un entretien accordé au journal le Parisien disait vouloir emmerder les non vaccinés jusqu’au bout, Nils Passédat, maire de Lavaurette (82) en concertation avec le conseil municipal décrochait le portrait d’Emmanuel Macron de la salle du conseil et le renvoyait à la préfète.
Un décrochage qui n’avait rien d’un acte politique avait précisé le maire, plutôt un geste symbolique fort puisque, si afficher un portrait du chef de l’État en mairie n’est pas une obligation, cela relève d’une tradition républicaine à laquelle toutes les mairies de France souscrivent depuis toujours.
Pour remplacer le portrait d’Emmanuel Macron, et en écho à ses propos, le conseil municipal de la petite commune de 230 âmes avait fait le choix d'afficher la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Passe d'armes épistolaire
L’affaire aurait pu en rester là. Sauf que la préfète du Tarn-et-Garonne n’a pas du tout goûté le geste de l’édile, et encore moins la lettre qui accompagnait le portrait qui lui a été retourné.
« Depuis l’élection du ci-devant Macron, à la présidence de la République, notre Conseil municipal s’est toujours réuni sous le regard de celui qui incarne le chef de l’État. Mais aujourd’hui que des citoyens ont été insultés par celui-là même qui a le devoir de les servir, nous avons décidé de vous retourner son portrait que vous pourrez avantageusement recycler dans les latrines de la République, pour reprendre son registre » écrivaient le maire et deux de ses adjoints.
Dans sa réponse datée du 10 janvier, Chantal Mauchet, préfète du Lot, fait clairement savoir aux élus de Lavaurette que l’affaire n’en restera pas là. Relevant « les termes outrageants à l’encontre du président de la République et du représentant de l’État dans le département », elle indique qu’il lui revient de transmettre au procureur de la République qui avisera des suites à donner.
En conclusion, elle rappelle à Nils Passédat qu’en tant qu’élu de la République, il doit en respecter les valeurs et les institutions. « A ce titre, la présence du portrait officiel du chef de l’État en mairie de Lavaurette fait partie de la tradition républicaine. Je vous demande donc d’afficher sans délai le portrait du président de la République » écrit-elle.
La réaction du maire de Lavaurette ne se fait pas attendre. Il prend acte des requêtes de la préfète et lui adresse cette réponse concernant « l’outrage supposé qu’il aurait fait au président de la République et qu’il appartiendra à un juge de qualifier »
« Je pense que vous vous méprenez car à aucun moment je n’ai proféré d’injure, ni à sa fonction, ni à sa personne. Je n’ai fait que vous indiquer le lieu le plus approprié où vous pourrez afficher son portrait, lieu qui en outre, vous permettra de trouver le matériau indispensable pour conduire une politique « d’emmerdement » »
Enfin, le maire précise qu’il ne répondra pas à l’injonction de remettre en place le portrait du président de la République, estimant qu’il respecte les lois et règlements concernant l’affichage des Symboles Républicains au sein de la mairie. « L’emblème national y est maintenu en permanence sur la façade et un buste de Marianne orne le secrétariat » indique-t-il, concluant sa correspondance en ces termes « L’affichage du portrait du président de la République ne faisant l’objet d’aucune norme juridique, je ne vois pas de quel droit vous pouvez exiger que je le remette en place »
Deux plaintes déposées
Pour enfoncer le clou, la mairie de Lavaurette a décidé de porter plainte contre la préfète du Tarn-et-Garonne pour abus de pouvoir et contre le président de la République pour outrage à la fonction présidentielle.
La plainte contre Emmanuel Macron a été transmise à François Molins, procureur général à la Cour de Justice de la République et vise les propos du chef de l’État dans le journal le Parisien. Pour l’étayer, le maire de Lavaurette rappelle qu’Emmanuel Macron a dit « vouloir emmerder les non vaccinés… jusqu’au bout » et « qu’un irresponsable n’est plus un citoyen » Des déclarations qui « constituent une atteinte grave à l’égalité des citoyens de France et à leur intégrité, dans la mesure où elles vont jusqu’à remettre en cause la citoyenneté, qui est le ciment de la République » écrit-il dans son dépôt de plainte. Considérant ces faits, les élus de Lavaurette estiment que le président de la République a délibérément et avec préméditation commis un outrage à la fonction présidentielle et demandent au procureur général d’engager des poursuites à son encontre. Ils appellent également François Molins à poursuivre Emmanuel Macron considérant que « le fait de cibler une partie de la population dont le statut sanitaire n’est soumis à aucune obligation légale est un acte de discrimination arbitraire »
La plainte contre la préfète fait suite à son injonction de remettre en place le portrait du chef de l’État et est motivé par le fait que cet affichage ne faisant l’objet d’aucune obligation légale, il ne peut être imposé. « Tout ce qui n’est pas interdit étant permis, nous considérons que Madame Chantal Mauchet, préfète de Tarn-et-Garonne, a commis un abus de pouvoir en nous mettant en demeure d’afficher à nouveau le portrait présidentiel » plaident les élus de Lavaurette dans la plainte déposée auprès du procureur de la République de Montauban.
Décrochages en série ?
L’initiative de Nils Passédat a fait des émules. D’autres maires de différentes communes françaises se sont dits prêts eux aussi à décrocher le portrait d’Emmanuel Macron. Sous l’impulsion d’une poignée d’entre eux est né le « Collectif des maires résistants ». Pour l’heure, aucune action collective n’a encore eu lieu mais cela pourrait se faire dans les prochaines semaines. A suivre donc…