La justice a lancé une enquête sur la propagation du virus de la grippe aviaire qui sévit dans le sud-ouest, pour savoir si des lots contaminés de volatiles
ont pu être vendus en toute connaissance de cause à des éleveurs, favorisant ainsi la dissémination du virus.
Le Parquet de Paris a ouvert récemment une enquête préliminaire pour "tromperie aggravée" pour tenter de déterminer les responsabilités dans la propagation fin 2016 de l'épidémie de grippe aviaire qui sévit depuis dans plusieurs départements du sud-ouest de la France, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.
L'enquête ouverte notamment pour "tromperie aggravée par le danger sur la santé animale" doit permettre de démontrer si fin 2016 des lots de volatiles ont pu être envoyés à des éleveurs du Gers, du Lot-et-Garonne et des Hautes-Pyrénées tout en sachant qu'ils pouvaient être contaminés par le virus H5N8, a expliqué cette source.
Cette enquête préliminaire fait suite à un rapport du ministère de l'Agriculture transmis au parquet d'Albi, qui s'était ensuite dessaisi au profit du pôle de santé publique de Paris. Le ministère avait lancé une enquête administrative après que les élevages du Gaec de la Guigneret, dans le Tarn, rattaché à la coopérative du Vivadour (Gers), avaient envoyé les 30 novembre et 1er décembre deux lots de canards destinés à être gavés à des éleveurs situés dans le Gers, le Lot-et-Garonne et les Hautes-Pyrénées.
Les investigations sont confiées à la région de gendarmerie de Midi-Pyrénées en co-saisine avec les gendarmes spécialisés de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp). Les enquêteurs devront notamment établir si "les éleveurs destinataires de lots de canards ont pu être victimes de tromperie", a résumé une source judiciaire.
Repéré fin novembre sur des oiseaux sauvages, le virus H5N8 continue de s'étendre dans les élevages du Sud-Ouest. La France a lancé le 4 janvier une politique d'abattage massif et préventif de palmipèdes, pour tenter d'enrayer l'épidémie de grippe aviaire, qui a été étendue à ce jour à 415 communes du Sud-Ouest. La mise à jour des communes concernées par l'abattage préventif est fonction de l'évolution de la situation sanitaire.
Au 9 février, 227 foyers de grippe aviaire liés au virus H5N8 avaient été confirmés dans les élevages, principalement dans le Gers (90)
et les Landes (81), et 21 cas dans la faune sauvage.
Une perte économique énorme
Le Sud-Ouest de la France est la principale région française d'élevage de palmipèdes à foie gras avec quelque 3.000 exploitations et cette nouvelle épizootie, après celle survenue en 2015/16, représente une perte économique énorme pour la filière. Des voix se sont élevées contre l'organisation particulière de l'élevage des palmipèdes dans la région, autour de filières intégrées, qui a pu favoriser la propagation du virus.
Les animaux passant en effet d'une exploitation hyper spécialisée à l'autre: des fermes de reproduction aux couvoirs, puis aux élevages de poussins, aux élevages en parcours extérieur, aux éleveurs-gaveurs, pour finir par les abattoirs et la transformation.
Mais chaque opération se fait sur des sites différents, obligeant à transporter les animaux à chaque étape, d'un département à l'autre parfois. Cette organisation est remise en cause par la Confédération paysanne (syndicat classé à gauche), pour qui c'est "l'industrialisation de la production" qui "provoque et amplifie les crises sanitaires", au lieu de privilégier des élevages à l'ancienne, où tout est fait au même endroit, qui permettraient d'endiguer la propagation. Des producteurs et travailleurs de la filière palmipèdes ont mené des actions dans quatre départements du Sud-Ouest il y a une semaine pour exiger le versement rapide d'indemnisations pour faire face à la nouvelle épizootie. Selon l'interprofession du foie gras, cette epizootie va coûter 120 millions d'euros aux éleveurs et industriels de la filière foie gras.
Le 19 janvier, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé que les éleveurs seront indemnisés à partir de mars, en fonction du nombre de canards perdus du fait de la maladie ou des abattages préventifs pour enrayer l'épidémie.
Vidéo : le reportage de Marie Martin et Ophélie Le Pivert