La région Occitanie a radié la société tarnaise Eco Groupage de son dispositif éco-chèque pour "manquements graves et répétés". Dénoncée par l’entreprise spécialisée dans l’isolation des combles, cette décision vient d’être confirmée par le Tribunal administratif de Toulouse.
La société Eco Groupage va continuer son activité d’isolation des combles mais sa clientèle d’Occitanie ne pourra plus compter sur les 1500 euros du dispositif de la région, l’éco-chèque, pour financer ces travaux. Dans une délibération datée du 18 décembre 2017, la collectivité a décidé de radier l’entreprise basée à Puylaurens dans le Tarn de ce dispositif phare de la politique de transition énergétique de Carole Delga.
Une décision aussitôt contestée par Eco Groupage mais confirmée le 12 février 2018 par le Tribunal administratif de Toulouse. Ce qui valide les révélations de France 3 Midi-Pyrénées en septembre dernier, contre lesquelles la société Eco Groupage a d'ailleurs déposé une plainte en diffamation.
Selon la Région, cette radiation "fait suite à de nombreuses plaintes" à l’encontre de la SARL Ecogroupage.
En 2016, en complément du programme national d’isolation des combles pour 1 euros, dont l’objectif est d’aider les ménages aux revenus les plus modestes à réduire leurs factures d’énergie, la région Occitanie choisit de renforcer son dispositif d’aides dans le domaine de la transition énergétique, l’éco-chèque. L’idée est simple : lors de travaux permettant une économie d’énergie supérieure à 25 %, la collectivité s’engage à financer le chantier à hauteur de 1500 euros.
Une aubaine pour les particuliers mais aussi pour de nombreuses entreprises locales qui voient à travers ce dispositif un moyen de faire grimper leur chiffre d’affaires. Théoriquement, en additionnant les certificats d’économie d’énergie du programme national d’isolation des combles à 1 euros et l’éco-chèque de la Région Occitanie, les professionnels pouvaient augmenter leurs tarifs sans que les clients n’aient à débourser un centime.
Car comme le souligne la Région dans l’ordonnance du Tribunal administratif du 12 février 2018 : "l’interdiction d’exiger du bénéficiaire qu’il fasse l’avance du montant de l’éco-chèque est au coeur du dispositif créé en 2010 puisque l’éco-chèque est un titre de paiement ; c’est au professionnel de faire cette avance et de se faire rembourser par la région".
C’est là que le bât blesse. La société de Sébastien Rebelo et Yohan Gonzales le reconnaît, elle n’a pas respectée cette obligation : "nos clients ont fait avance de l’éco-chèque". Conséquence : de nombreuses personnes, aux revenus très faibles, ayant signé avec Eco Groupage se sont retrouvées à avancer de fortes sommes voire même à contracter un crédit pour payer l’isolation de leurs combles là où ils n’auraient dû rien payer.
Une pratique que la direction d’Eco Groupage "assure avoir stoppé au 1er avril 2017" . Une affirmation contestée par la Région : "Contrairement à ce qu’(Eco Groupage) soutient, des plaintes ont été enregistrées postérieurement à la date du mois d’avril 2017 à laquelle elle prétend avoir mis fin à cette pratique, ce seul grief suffit à fonder sa radiation, il ressort de ses factures que l’éco-chèque de 1 500 euros vient en déduction (…) c’est la seule entreprise à avoir adopté cette pratique".
Les élus de la région ont été alertés de longue date de ces dérives rendues possibles notamment par un véritable absence de contrôles de la part des services de la collectivité et un cadre réglementaire trop flou. Six plaintes contre Eco Groupage ont été directement adressées à la région Occitanie au cours des derniers mois. La collectivité était également au courant de nombreuses litiges signalés auprès de l’UFC-Que Choisir et d’une plainte déposée au parquet de Nanterre contre l’entreprise tarnaise.
C’est finalement l’enquête de France 3 Midi-Pyrénées du 15 septembre 2017 qui va pousser les politiques de la région à sortir de leur inertie en changeant les règles d’attribution de l’éco-chèque en novembre 2017 et en radiant Eco Groupage un mois plus tard.
Son exclusion du dispositif régional et le renforcement de la réglementation est un coup d’arrêt pour l’entreprise de Puylaurens dont "l’éco-chèque représentait fin 2017, 80 % de son chiffres d’affaires". La société tarnaise, dont les effectifs seraient passés de 200 à 120 employés ces dernières semaines "assure avoir 3000 dossiers en attente de toucher leur éco-chèque représentant 4,7 millions d’euros". Pour elle "aucune preuve ne démontre qu’elle a manqué à ses obligations d’éthique ou de conseil. Les infractions pénales dont elle pourrait être accusée ne portent pas sur le volet technique".
La région Occitanie compte 2400 professionnels partenaires dans le cadre du dispositif éco-chèque. La SARL Eco Groupage est la seule à avoir été radiée.
réaction conseil régional
Agnès Langevine, 3ème vice-présidente du Conseil régional d'Occitanie, en charge de la Transition écologique et énergétique, de la biodiversité, de l’économie circulaire et des déchets, a réagi à cette décision de justice et justifié la décision de la Région de radier Eco Groupage du dispositif Eco-Chèque."Cette décision de justice est logique suite aux plaintes et aux contrôles que nous avons engagés avant de radier l'entreprise du dispositif, explique-t-elle. Une entreprise ne peut pas fonder son modèle économique sur l'éco-chèque qui reste un moyen de paiement d'une partie de travaux d'isolation. En fonctionnant comme elle l'a fait, Eco Groupage a profité d'un effet d'aubaine. Notre rôle c'est d'utiliser au mieux l'argent public et de protéger le consommateur de pratiques qui ne respectent pas les règles qui ont été fixées".
Agnès Langevine conteste le "retard à l'allumage" de la Région : "Les services ont respecté la procédure c'est à dire qu'après les plaintes, nous avons mené une enquête. La vraie décision politique c'était d'enquêter. La radiation n'est que la suite logique de l'enquête".
FV