Face à l’essor du numérique et la baisse des budgets alloués aux documentalistes dans les collèges et les lycées, la situation de la presse jeunesse inquiète les professionnels du secteur. Particulièrement les indépendants comme Christophe Coquis, fondateur de deux magazines destinés aux adolescents.
Pour beaucoup de titres de presse jeunesse, l'abonnement représente le moyen de financement principal. Parmi les abonnés, une partie importante est des établissements scolaires. Avec la volonté du gouvernement de faire des économies, certains centres de documentation et d'information (CDI) des collèges et lycées vont perdre du budget, faisant craindre une perte majeure de ces clients vitaux pour la presse jeunesse.
Christophe Coquis en sait quelque chose. Basé à Gaillac (Tarn), il est le fondateur de deux magazines destinés aux adolescents : Geek Junior sur l'éducation numérique et Otaku Manga, destinés aux passionnés de manga. Il a pu constater le danger qui pesait sur la presse jeunesse suite à la publication d'un post Facebook à destination des professeurs documentalistes.
Dans ce post, Christophe Coquis demandait simplement quelles étaient les perspectives d'abonnement pour l'année prochaine. Les réponses ont été claires : "J'ai dû arrêter des abonnements à cause d'un budget de plus en plus minable chaque année" ; "Je dois supprimer sept abonnements" ; "Mon budget a été divisé par deux". Autant de réactions qui font craindre une importante perte de revenus pour la presse jeunesse.
Une crainte de plus en plus forte
Face aux réponses des professeurs documentalistes, l'inquiétude grandit chez Christophe Coquis. Indépendant, ses recettes proviennent à 95% des abonnements. Parmi ces derniers, la moitié sont des collèges et des lycées. Le magazine Geek Junior étant par exemple présent dans 2 500 collèges en France soit plus d'un tiers des collèges du pays. "Avec la baisse de ces budgets, on ne sait pas où on va, on va essayer de se battre", confie Christophe Coquis.
Surtout, être présent dans les collèges et les lycées permet de se faire connaître au plus grand nombre. Un abonnement représentant par ricochet la possibilité d'être lu par des dizaines d'élèves. "Aujourd'hui, c'est déjà difficile de faire lire les jeunes. Les parents consultent de moins en moins la presse ce qui n'aide pas. S'il y a bien un lieu où on peut éduquer à la lecture, c'est l'école, et nous allons peut-être perdre cela", souffle le fondateur de Geek Junior.
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Tout un secteur impacté
Face à ces baisses de budget, Christophe Coquis se montre plus largement inquiet pour tout le secteur de la presse jeunesse, lui qui essaye au maximum de travailler avec des prestataires basés en Occitanie : "Derrière l’édition jeunesse, il y a les graphistes, les auteurs, les imprimeurs... Toute une chaîne risque d’être impacté", prévient-il.
Si les indépendants sont les premiers concernés, la presse jeunesse connaît dans son ensemble une baisse de son lectorat. Leader du secteur, Sciences & Vie Junior a par exemple vu sa diffusion passer de 110 000 exemplaires par mois en 2021 à 82 000 en 2023, selon l'Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias.
Se tourner vers le numérique
Dans ce contexte difficile, la presse jeunesse se tourne de plus en plus vers le digital. Certains titres pour se diversifier, d’autres par obligation. Des magazines n'ont par exemple plus d'autres choix que de se retrouver seulement sur le numérique. Le fondateur de Geek Junior et Otaku Manga regrette, lui, de ne pas pouvoir être présent en kiosque. Les contraintes budgétaires l'empêchent d'imprimer plus d'exemplaires que le nombre vendu grâce aux abonnements.
"On cherche à trouver d'autres manières de se faire connaître auprès du grand public mais cela demande des moyens et je crois vraiment que la lecture papier a de gros avantages notamment pour l’apprentissage et la mémorisation", assure Christophe Coquis.
Si le report vers le digital est difficile pour les indépendants, les mastodontes du secteur ont déjà commencé leur mue. Notamment le toulousain Milan Presse, détenu par le groupe Bayard, qui édite une vingtaine de magazines par mois tels que Wapiti ou 1jour1actu.
Le groupe toulousain a pris un tournant digital en proposant une pratique des écrans active complémentaire à la lecture. Et ce avec des podcasts audios ou encore des webinaires avec les classes. Une nouvelle façon d’appréhender la transmission des savoirs aux enfants dont les professeurs sont de plus en plus friands.