Comme chaque année, lors de ce week-end du Patrimoine, la foule se presse pour visiter le Palais de l'Elysée. Le siège du pouvoir en France fascine: désormais ses jardins seront ouvert chaque dernier dimanche du mois à partir d'octobre.
Ainsi en a décidé François Hollande, après l'avoir testé, avec succès, pour son premier 14 juillet: 3.500 visiteurs s'étaient pressés autour de la vaste pelouse, dans les allées ombragées. De quoi remplir de fierté le jardinier en chef de l'Elysée (et des dépendances) Yannick Cadet, qui veille à chaque fleur présidentielle depuis 1990.
Jean-Paul Normand, qui dirige l'administration du palais, explique:" le Président a voulu que ces dimanches là, le portail du Coq (ainsi nommé pour le
superbe coq de 300 kilos, doré à la feuille, qui le surmonte) s'ouvre pour ces amateurs".
Ils pénétreront donc dans ces lieux historiques et bien gardés non par la cour d'honneur, mais par l'arrière, côté Seine. Et ils découvriront un des plus grands jardins fermés de Paris.
Ils chemineront sur le gravier, autour d'une ample pelouse, généreuse, grasse, taillée haut, interdite à leurs semelles. M. Cadet - qui a fait ses classes
à Versailles - se souvient qu'il fallait au minimum un mois pour réparer les dégâts des garden-parties de la fête nationale. Tant mieux pour le gazon: l'ex président Nicolas Sarkozy les a supprimées en 2010 pour cause de crise.
Ils contempleront des massifs de fleurs amoureusement peignés, dans des camaïeux de blanc, rose pâle ou rose soutenu. Ce sont les jardiniers qui choisissent les teintes. M. Cadet ne se souvient pas d'un chef de l'Etat - il en est à son quatrième - réclamant une palette de couleurs.
Ils admireront des arbres centenaires - l'un, culminant à quelque 45 mètres, est un des plus hauts de la capitale. Ils longeront la micro-serre installée sous Jacques Chirac. Ils s'étonneront sans doute d'un côté sylvestre, sans façon, du lierre omniprésent grimpant à l'assaut des troncs.
C'est qu'en 1786 - juste avant la Révolution - ce qui était sous la marquise de Pompadour un jardin à la française, avec son allée centrale, sa composition géométrique, ses charmilles gourmées, est transformé en parc à l'anglaise par le propriétaire d'alors, le banquier Nicolas Beaujon.
L'Elysée n'a depuis pas abandonné ce style qui cherche le naturel, au-delà de ses transformations incessantes. Qu'elles soient voulues - le jardin été refait en 1992 - ou contraintes par les tempêtes, comme celle de 1999 qui mit bas plusieurs arbres vedettes.
Une exception qui contraste avec le savant laisser-aller des "mixed borders": un carré de jardin à la française sur le côté gauche, stricte et complexe broderie de buis recréée en 1974, sous Valéry Giscard d'Estaing.
Sur la terre ingrate de l'Elysée - des marais asséchés où étaient il y a très longtemps plantées des calebasses - les visiteurs du dimanche pourront donc prendre, au-delà de la chlorophylle présidentielle, un bain d'histoire.