"Le magasin des suicides" d’Olivier Ka & Domitille Collardey.
Ne cherchez pas. Une boutique comme celle-ci, vous ne la trouverez pas sur les Champs Elysées. D’autant que pour les Grecs anciens, ces Champs étaient une succursale heureuse des Enfers et qu’ils considéraient le suicide comme une souillure.
L’iconoclaste romancier Jean Teulé sait nous surprendre : avec lui, le suicide devient une activité commerciale fort lucrative. Depuis dix générations, la famille Tuvache propose des kits pour finir sa vie. Succès garanti.
« Le Magasin des Suicides » est son roman le plus vendu, d’ailleurs traduit en 19 langues. Cet écrivain s’est aussi fait connaître avec ses bandes dessinées à base de photos retouchées (Bloody Mary, Gens d’en France et d’ailleurs). Cette fois-ci cependant ce n’est pas lui qui est au pinceau. Cet album n’est pas davantage une déclinaison papier du film d’animation qui sort dans les salles ces jours ci. Une adaptation cinéma, signée par le cinéaste Patrice Leconte, lui aussi auteur de BD à ses débuts (Gazul et Compagnie).
C’est en fait à Olivier Ka, auteur inspiré de « Pourquoi j’ai tué Pierre » que l’on doit cette version BD. Les gags mis en cases font toujours autant mouche : « Vous avez raté votre vie ? Réussissez votre mort ! ». L’humour est servi noir : « Payer à crédit ? Vous plaisantez ! Pourquoi pas une carte de fidélité ! ». Mais n’y voyez pas une ode au suicide, bien au contraire.
Sous le crayon de Domitille Collardey, Alan le dernier né de la famille Tuvache prend vie en couleurs. Ses parents ont choisi son prénom en hommage à Alan Turing, un suicidé célèbre considéré comme le père fondateur des premiers ordinateurs, auquel Apple pourrait rendre hommage avec sa pomme croquée. Mais Alan est très différent de son frère Vincent (référence au peintre suicidé Van Gogh) et de sa sœur Marilyn (Monroe). Il est le seul à être dessiné en couleurs, quand eux sont sombres et suicidaires. Plein de vie, il va bousculer toute sa famille. Ce qui n’est vraiment pas bon pour les affaires.
Le dessin accompagne ce bouleversement : le cadre des cases disparaît ; la mise en planche rappelle la liberté dont faisait preuve Winsor McCay pour « Little Nemo ».
Seul bémol : si cette nouvelle version du « Magasins des Suicides » convainc par son invention graphique, si le scénario démarre fort avec la reprise du catalogue drôle des mille et une façon de mourir, tout cela ne suffit pas à compenser la faiblesse de la seconde partie.
Reste ce qui fait la force du roman : une invitation à vivre sa vie jusqu’au bout.
La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD : Dominique A « Rendez-nous la lumière » de l’album « Vers les lueurs »