Le ministère public a reproché mardi à Jean Tiberi une "complicité active" dans la fraude électorale commise il y a plus de 15 ans dans le Ve arrondissement, et a requis à son encontre entre 4 et 5 ans d'inéligibilité.
En septembre 2011, le procès avait été reporté pour une QPC, procédure qui permet à tout justiciable de contester des dispositions légales. Cette fois encore la défense a plaidé une QPC , une question prioritaire de constitutionnalité, pour faire reporter l'audience, mais celle-ci a été rejeté. Depuis mi-novembre l'ancien maire de Paris comparaît donc en appel avec son épouse et sa première adjointe dans l'affaire des faux électeurs du Ve arrondissement, dont il est toujours le premier élu.
En première instance, l'ancien maire de Paris (1995-2001) et actuel maire du Ve avait été condamné à seulement trois ans d'inéligibilité, une peine dont l'exécution avait été suspendue par son appel.
L'avocat général, Bernard de Gouttes, a en outre requis la confirmation des 10 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende qui lui avaient été infligés en 2009. M. de Gouttes a estimé que M. Tiberi avait "enfreint délibérément la loi pour (son) ambition personnelle" en participant au système des faux électeurs inscrits dans l'arrondissement aux municipales de 1995 et législatives de 1997, et d'avoir eu "un sentiment d'impunité".
"Vous espériez un délit presque parfait", a-t-il lancé. "Le cerveau, je trouve que ça vous convient très bien. C'est celui qui dirige, qui réfléchit, qui commande", a-t-il dit en référence au terme employé par d'anciens collaborateurs du maire.
"Vous êtes l'homme qui conçoit et vous prenez comme maître d'œuvre deux femmes qui exécutent ce que vous souhaitez", a-t-il dit à propos de son épouse Xavière et de sa première adjointe, Anne-Marie Affret, également jugées en appel.
Selon l'avocat général, Xavière Tiberi était investie par son mari "d'un pouvoir considérable et irrégulier au sein de la mairie" et a "participé directement aux manoeuvres frauduleuses". Elle avait selon lui "par son omniprésence, une autorité incontestable" sur les fonctionnaires et élus de la mairie du Ve.
Il a requis 9 mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende à son encontre,comme en première instance, ainsi que 3 ans de privation des droits de vote.
M. de Gouttes a demandé à la cour d'appel de Paris de condamner Anne-Marie Affret à 9 mois de prison avec sursis et 1.500 euros d'amende, comme en première instance, et à une inéligibilité de trois ans au lieu de deux.
Cette dernière a reconnu les faits qui lui sont reprochés mais, tout en disant qu'elle n'avait pas pris l'initiative de la fraude, a refusé de mettre en cause directement le couple.
La justice reproche aux prévenus d'avoir participé à un système dans lequel des personnes ne résidant pas dans le Ve arrondissement étaient "incitées" à se faire inscrire sur les listes électorales, en échange d'une place en crèche, d'un logement ou d'un emploi à la mairie de Paris.
Les époux Tiberi ont toujours réfuté toute implication. Devant la cour, ils ont qualifié de "mensonges" tous les témoignages d'anciens collaborateurs du maire les mettant en cause.
M. Tiberi a assuré n'avoir eu connaissance de faux électeurs que quand l'affaire a été révélée par la presse en 1997, et a cherché à minimiser l'intérêt qu'il aurait eu à frauder, faisant valoir qu'il avait toujours été confortablement réélu. M. de Gouttes a qualifié d'"énormités" ses déclarations.
"L'intérêt pour vous était d'être l'un des mieux élus de la place de Paris", a-t-il estimé. "Pour être maire de Paris, il faut avoir cette légitimité électorale". Le procès doit se terminer mercredi, après les plaidoiries de la défense. La cour d'appel ne rendra sa décision que dans plusieurs mois.