A Paris, la police peut désormais solliciter 40.000 caméras pour mener l'enquête

Deux grosses affaires criminelles très récentes, qui ont tenu l'opinion publique en haleine ont été résolues en quelques jours grâce aux images de vidéosurveillance. Elles montrent, s'il en était besoin, la place incontestable que cet outil occupe désormais dans une enquête comme dans nos vies.

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Désormais, il ne s'agit plus de séries de fiction, nous ne sommes pas à la télévision, pas non plus aux USA! C'est désormais dans nos vies quotidiennes que nous pouvons mesurer en temps réel la réalité du "travail" réalisé par les équipements de vidéosurveillance de Paris.

Ces derniers jours, deux affaires criminelles sont venues, coup sur coup, montrer aux "incrédules" ou aux "naïfs", selon l'opinion que chacun se fait de la chose, quelle place ont pris ces caméras de surveillance et quel usage en est fait.

Il y a eu d'abord la "traque du tireur fou de Libération" comme nombre de média l'ont baptisé. Le lundi 18 novembre 2013, un homme fait irruption au siège du journal Libération, à Paris, et fait feu sur un jeune photographe, avant d'aller, un peu plus tard dans la matinée du même jour, tirer sur l'immeuble de la Société Générale à la Défense, puis de s'évanouir dans la nature. Le vendredi précédent, il avait déja dans les locaux de la chaîne de télé BFM et avait menacé un journaliste avec son arme. En un temps record, le mercredi soir 20 novembre, l'homme, Abdelhakim Dekhar, était arrêté. Mais dès le mardi 19 novembre, la police était en mesure de diffuser une première image du tireur. Une image, puis d'autres qui ont suivi, toujours plus précises,tirées des caméras de vidéosurveillance que l'homme a forcément croisées lors de ses déplacements.

Dans le même temps, le mercredi 20 novembre, le jour même de l'arrestation du tireur de Libération, et sans que les deux affaires aient le moindre lien, le cadavre d'une fillette de 15 mois était retrouvé sur la plage de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais). Deux jours plus tard, soit le vendredi 22 novembre, sans que les enquêteurs ne sachent encore très bien ni qui était ce bébé mort, ni comment il s'était retrouvé là, la police diffusait des images d'une femme à la peau noire accompagnant un enfant en poussette dont la combinaison était similaire à celle dont était vêtu le cadavre de la fillette. Des images extraites d'enregistrements de caméras de vidéosurveillance là encore! Il y en aura d'autres les jours suivants. Et le vendredi 29 novembre, la femme qui s'avèrera en effet être la mère de la fillette morte, sera interpellée.

Un maillage désormais très serré


C'est que désormais, c'est bien d'un vaste réseau de vidéosurveillance qu'il faut parler à Paris. Fini le temps où l'on notait au coup par coup telle ou telle décision de déploiement de caméras à l'initiative de la Ville de Paris, de la RATP ou de la SNCF. Désormais ce ne sont plus des machines isolées et éparses, c'est un maillage construit. Mieux: depuis décembre 2011, il y a déja deux ans, les policiers enquêteurs disposent d'un "plan de vidéoprotection pour Paris" (PVPP) qu'ils peuvent activer à tout moment et dont ils se servent couramment comme le montrent ces deux affaires emblématiques.

Les arguments n'ont pas manqué pour justifier la mise en place de ce PVPP : officiellement il permet de renforcer la sécurité routière, d'assurer l'ordre public dans les grands rassemblements ou manifestations et bien sûr de lutter contre la délinquance ou contre le risque terroriste.
Le PVPP, c'est donc la mise à disposition d'une enquête de police de toutes les caméras disponibles. Et à Paris et en Ile-de-France, elles sont nombreuses, presque innombrables désormais. Jugez plutôt: il y a d'abord 1105 caméras sur la voie publique spécifiquement prévues dès la mise en place du PVPP. (elles sont publiques, répertoriées sur une série de cartes accessibles en ligne ici) Auxquelles il faut ajouter 250 caméras de circulation de la Ville de Paris.  
Mais, à ces déjà nombreux yeux, il faut ajouter les 18500 caméras qui équipent bus et trams de la RATP, les 9000 caméras du métro et RER et encore les 4596 caméras des gares d'Ile-de-France de la SNCF avec les 6559 caméras de ses trains. Soit un impressionnant, et presque inquiétant total de 40.000 caméras que la police peut solliciter en Ile-de-France ! Sans compter toutes les caméras privées, entreprises ou autres!

Ce chiffre est si vertigineux que certains s'en inquiètent, comme le collectif Paris sous surveillance, qui a mis en ligne une carte de toutes les caméras visibles dans les rues et propose à chacun de continuer à l'alimenter à mesure de leur apparition.

Bien sûr, la gestion de toutes ces images, et notamment de leur archivage, est codifié, réglementé. Et jamais il ne s'agit de décortiquer chaque jour toute la masse de ces images. Le travail serait colossal, et sans doute impossible. Mais, lorsqu'on sait ce que l'on cherche, il devient finalement de plus en plus facile de retrouver n'importe qui où qu'il se cache!

Une perspective de "Big Brother" fait frémir de nombreux citoyens, mais aussi élus et institutions. En France, la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) veille à ce que toutes ces procédures soient publiques et contrôlées. Et nombre d'élus de tous bords font régulièrement revenir le débat au grand jour, que ce soit sur les coûts de ces équipements, sur leur efficacité, où sur les risques qu'ils comportent pour une démocratie.

Mais force est de constater, et ces deux affaires récentes viennent nous le rappeler, qu'une certaine "accoutumance" gagne peu à peu policiers et citoyens, et que notre société, déja, ne sait plus se passer de ces caméras de plus en plus présentes.











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