Mercredi 5 février, Valérie Pécresse est venue soutenir Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris. Les deux anciennes ministres de François Fillon sont alliées dans l'objectif commun de reprendre à la gauche la capitale et la région Ile-de-France.
"Générationnellement Votre".
Les soeurs franciliennes
Deux héroïnes, dont les vies défilent en split screen à la manière du célèbre générique : Valérie Pécresse et Nathalie Kosciusko-Morizet. Deux cadres de l'UMP, qu'on présente volontiers comme rivales pour devenir la première candidate du parti à une élection présidentielle.
Mais, pour l'instant, ce sont des alliées objectives dans leurs ambitions respectives mais complémentaires: la mairie de Paris pour NKM en 2014 et la région Ile-de-France pour VP en 2015.
En janvier dernier, elles tractaient ensemble gare Saint-Lazare contre la hausse des transports en IDF. Mercredi 5 février, elles ont tenu meeting commun en soutien à Vincent Roger, candidat UMP dans le 4 ème arrondissement et conseiller régional.
"Si Paris bascule à droite, ce serait un formidable premier signal pour l'Ile-de-France", explique Valérie Pécresse en marge de la réunion. "Les sujets de la région et de la ville sont de l'ordre du quotidien et nécessiteraient d'avoir un maire de Paris et un président de région qui marchent ensemble et travaillent main dans la main. Avec Valérie, on construit des choses", lui répond en écho Nathalie Kosciusko-Morizet.
Alliés, mais pour combien de temps ? C'est un peu comme la relation Montebourg/Valls à gauche, complices aujourd'hui et potentiels adversaires pour une candidature socialiste à l'Elysée. Une rivalité d'ambition d'autant plus forte qu'issues de la même génération, elles n'auront pas forcément des fenêtres de tir différentes. "Elles sont assez intelligentes pour ne pas s'opposer mais elle se jaugent évidemment", estime une élue UMP francilienne. "Elles se disent attention pour la suite, car ce sont deux grandes calculatrices", juge un autre observateur de la région.
Un choc annoncé comme un noël le 25 décembre et ce depuis le début de leurs carrières. Valérie Pécresse est âgée de 45 ans, Nathalie Kosciusko-Morizet de 40 ans. Au-delà de cette petite différence, la trajectoire est mimétique.
Les soeurs jumelles
Valérie Pécresse a fait ses études à Saint-Marie-de Neuilly, NKM à Daniélou, deux écoles privées pour jeunes filles de l'ouest parisien. HEC, ENA pour la candidate à la présidence de la région Ile-de-France, Polytechnique pour la candidate à la mairie de Paris. Débuts professionnels dans les cabinets de l'Elysée pour la première, dans ceux de Matignon pour la seconde.
Elles entrent toutes deux à l'Assemblée Nationale en 2002, au conseil régional d'Ile-de-France en 2004 et au gouvernement en 2007. Enfin, en 2012, l'ainée est porte-parole du gouvernement Fillon, quand la cadette occupait la fonction auprès de Nicolas Sarkozy.
Deux parcours parrallèles dont les courbes pourraient donc se croiser au moment d'une ambition exclusive: entrer à l'Elysée. "Vous savez les problèmes de 2030, on a encore un peu de temps", plaisante Vincent Roger, qui fera campagne pour les deux.
Le microcosme les présente volontiers comme antagonistes. Qu'en est-il exactement ? "Elles ne se détestent pas mais elles ne sont pas amies", explique une personne qui travaille bien avec les deux. "Il n'y a pas d'hostilité mais il n'y a pas de lien non plus", commente un de leurs anciens collègues des gouvernements Fillon. "Quand elles étaient ministres, il n'y avait pas de contact entre elles. Certes, elles ne s'occupaient pas de domaines proches. Mais dans un gouvernement des liens se nouent. On dine chez les uns et les autres. Rien de semblable entre elles", poursuit-il.
C'est pourtant cette expérience gouvernementale que Nathalie Kosciusko-Morizet met en avant quand je lui pose "en in" la question de ses relations avec Valérie Pécresse. "Avec Valérie, on partage une certaine énergie et un goût pour l'action. On a eu une pratique ministérielle, chacune à sa manière. Moi j'ai eu le Grenelle de l'environnement, elle a fait la réforme des universités. C'est vrai qu'on a des choses qui nous rapprochent", explique-t-elle.
A la tribune devant les militants, Valérie Pécresse préfère rappeler leur combat commun autour de Jacques Chirac à la fin des années 90. "Ce qui nous rassemble, c'est qu'on a jamais cédé à la mode de la gauche (en 97 ndlr). On avait au coeur cet esprit de résistance qui nous caractérise toutes les deux et qui nous fait penser qu'il n'y a jamais de causes perdues", déclare la députée des Yvelines.
Les soeurs fâchées ?
"Les deux sont déterminées et très rigoureuses", convergent toutes les personnes interrogées. Mais que pensent-elles l'une de l' autre ? "Difficile à savoir. Elles ne sont dans l'affectif, ni l'une, ni l'autre. Ce sont des monstres politiques. Elles ne montrent pas leurs sentiments et sont difficiles à percer", témoigne une élue francilienne.
"Nathalie pense sans doute qu'elle est plus moderne, ouverte et innovante que Valérie", avance l'ancien membre des gouvernements Fillon qui ajoute que "Nathalie était très réservée face à Pécresse dans les années antérieures".
Un premier rendez-vous manqué a lieu en 2010 à l'occasion des régionales. Nathalie Kosciusko-Morizet conduit la liste UMP dans l'Essonne, un des huit lieutenants de Valérie Pécresse en Ile-de-France. Avec Rama Yade et Chantal Jouanno, c'était le carré magique tant vanté dans les médias. "Elles se sont beaucoup agacées en 2010. NKM faisait campagne pour rendre service mais ça l'enquiquinait", témoigne un co-listier de l'époque.
Le niveau d'engagement n'était pas le même. Aujourd'hui chacune à une mission et un territoire précis. "Il n'y a aucune raison de nous opposer. On a envie de faire bouger les choses ensemble pour Paris et pour l'Ile-de-France", explique Nathalie Kosciusko-Morizet. Ensemble mais pas forcément de la même manière.
"Valérie a beaucoup appris. Elle joue beaucoup l'équipe. Elle écoute les élus. Alors que Nathalie est beaucoup plus solitaire et s'appuie avant tout sur sa petite équipe de confiance. Mais, cela s'explique aussi par la situation politique. Valérie est installée dans son rôle d'opposante. C'est un challenge qu'elle prépare depuis 2010 en s'appuyant sur les élus sortants déjà en place. NKM, elle, est arrivée tardivement. Elle doit découvrir l'appareil parisien et ses vieilles histoires", juge une des nombreuses concernées par les doubles campagnes de 2014 et 2015.
C'est une question de stratégie politique surtout pour une autre élue francilienne. "Elles sont antinomiques. Valérie est très construite. On élabore un plan et on s'y tient. Nathalie au contraire est opportuniste. Sa stratégie, c'est : il y a une occasion politique qui se présente, on saute dessus", poursuit-elle estimant "qu'un profil politique mêlant les qualités des deux serait idéal et redoutable". "Elles sont tellement différentes", ajoute une autre de leurs collègues franciliennes. "Valérie a une image plus stable. Elle ne fait pas dans la polémique, ne dit jamais un mot de trop", poursuit la première. "Nathalie est plus instinctive et réactive", juge l'ancien ministre. La différence entre une surdouée et une très bonne élève ?
La confrontation pour une place élyséenne reste de la politique-fiction. "Avant, il y aura Matignon en 2017, si la droite emporte la présidentielle. Ce sera le premier duel" estime-t-on rue de Vaugirard. "Ca va se rapprocher plus vite que cela", pense un autre élu de la capitale. "Si elles gagnent toutes les deux, vont-elles nous jouer un remake de Huchon/Delanoë ? Il y a une concurrence de territoire évidente entre la région et Paris. Comment la géreraient-elles, ce serait un bon indicateur de leurs ambitions futures ?", poursuit-il.