Corinne Lepage conduira la liste "Europe Citoyenne" aux élections européennes en Ile-de-France. La député sortante, ancienne candidate à l'élection présidentielle, explique pour France3 Paris les raisons de sa candidature et confie ses ambitions...mesurées.
Comment se distinguer parmi les multiples petites listes candidates aux élections européennes ?
En Ile-de-France, comme dans les 5 autres circonscriptions, où ses listes "Europe Citoyenne" se présentent, c'est le défi de Corinne Lepage. Mardi, elle animait un café politique à Evry. "Une cinquantaine de personnes. Pratiquement que des jeunes. Avec des questions, une volonté de comprendre comment fonctionne l'Europe", veut-elle se rassurer alors que les enquêtes d'opinion montrent un large désintérêt pour ces élections. C'est paradoxalement sa planche de salut. Candidate, hors parti, elle espère convaincre des abstentionnistes qui se défieraient des structures politiques traditionelles. Une ambition partagée par l'ensemble "des petites listes". Pourquoi cela fonctionnerait-il mieux pour Corinne Lepage ?
Une notoriété floue
Ancienne candidate à l'élection présidentielle de 2002, ancienne ministre de l'écologie sous Jacques Chirac, Corinne Lepage est une invitée régulière des plateaux télé sur les questions écologiques. "Cette position d'expert est aussi un piège. On attend de moi des propos mesurés et pondérés. Pas forcément une posture politique", explique-t-elle.
Car son pedigree politique présent semble moins connu. Corinne Lepage est députée européenne sortante. Un travail sur les questions de santé publique, entre autres, qu'elle veut mettre en avant. "J'ai fait un vrai boulot de député. Mon bilan de mandat est quantitatif et aussi qualitatif. La présence dans l'hémicycle ne suffit pas", déclare-t-elle.
Mais en 2009, elle avait été élue dans la circonscription Nord-Ouest sur la liste MoDem, parti avec lequel elle a rompu depuis. Pour les municipales à Paris, elle a tenté un rapprochement avec Anne Hidalgo, finalement avorté. Une image d'opportuniste qui brouillerait la sincérité de ses convictions. "Si j'étais opportuniste, je serai aujourd'hui adjointe à la mairie de Paris et j'aurais été ministre de Nicolas Sarkozy. Alors oui j'ai appellé à voter François Hollande en 2012, mais je n'ai pas été la seule", répond-elle. "Je suis une écolo-centriste. C'est ce que j'ai toujours été, rétive au fonctionnement des partis politiques qui est en train de suicider la France à petit feu", poursuit-elle.
La candidate anti-lobby
La particularité de cette campagne européenne est qu'elle est très courte. "Y a pas de débat sur les européennes", commente Corinne Lepage, qui comme beaucoup regrette que cette élection soit dominée par les enjeux nationaux. Il faut donc frapper fort pour exister. Mais est-ce possible quand on se définit "comme une liste euro-critique mais pro-européenne" ? La député européenne considère que d'autres "petits" candidats ont plus d'exposition médiatique grâce à des discours manichéens. "La réalité, ce sont les Traités, et la vérité c'est de dire que l'on ne va les changer immédiatement", martèle-t-elle.
Pour se rendre audible, elle cible les lobbys qui gravitent autour de l'Union européenne. "Vous voulez une Europe dominée par les lobbies ou une Europe dominée par les citoyens. Volià un discours assez clivant", estime-t-elle. "Si nos concitoyens entendaient tout ce qui se passe dans l'hémicycle, ils deviendraient fous", poursuit-elle, évoquant le débat sur l'étiquetage des produits alimentaires en 2009. "Il y a du ménage à faire dans les lobbies. Ils sont l'une des causes de la défiance des citoyens vis-à-vis de l'Europe", conclut-elle. Elle propose, par exemple, pour plus d'éthique qu'une institution judiciaire propre à l'Union européenne puisse juger les élus coupables de corruption et non leurs pays respectifs entraînant des différences de sanction. Un programme, qui comporte aussi la création d'une politique industrielle commune dans l'économie numérique, et qui se veut "à traité constant" et se donne pour mission "de réinventer l'idéal européen".
Elle n'oublie pas la politique politicienne fustigeant l'absentéisme de la famille Le Pen ou "le discours à double visage de M. Lamassoure qui accepte Geoffroy Didier sur sa liste". Elle reproche surtout à l'UMP,au PS et aux centristes d'avoir signé les textes permettant le traité transatlantique. Comme Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou Nicolas Dupont-Aignan. "Oui mais moi je suis génante parce que je ne viens pas des extrêmes et que je ne suis pas anti-capitaliste", répond-elle.
100% de têtes de liste féminines
Pour tenter de se distinguer, enfin, Corinne Lepage ne présente que des têtes de liste féminine. Sur la liste en Ile-de-France qu'elle conduit, on retrouve Martine-Odile Bertella-Geffroy, juge d'instruction qui a travaillé sur les dossiers du sang contaminé ou de l'amiante. Il y a également Bouchra Azouz, ancienne responsable de Ni putes, ni soumises, représentante d' "un féminisme populaire". Côte masculin, le deuxième de liste se nomme Victor Ferreira, présenté comme l'importateur de Max Havelaar en France. On trouve des patrons de TPE et enfin Jean-Luc Touly, syndicaliste qui a successivement dénoncé la corruption dans les entreprises du secteur de l'eau et dans les syndicats. "La liste en Ile-de-France est très mélangée politiquement. Tout cela marche parce qu'il y a une vision commune", explique Corinne Lepage.
Pour résumer : un peu d'écologie, une touche de féminisme, un zest d'entreprenariat, beaucoup de santé publique et une liste 100% citoyenne. Des profils que l'on retrouve sur d'autres "petites listes" présentes dans ce scrutin. Avec quelles ambitions ? Corinne Lepage a l'honnêteté de ne pas jouer les matamores des scrutins. Sans assurance surjouée, elle espère timidement obtenir 5,5 % des voix, ce qui lui permettrait d'être réélue. Un doux rêve vue la concurrence et l'éparpilllement des listes. Sans doute, mais qui n'est pas complètement infondé. En 2004, Corinne Lepage conduisait également une petite liste, prémisces de ce que deviendrait son parti Cap21. Contre toute attente, elle avait obtenu 3,61% devant Charles Pasqua ou Olivier Besancenot. "Je ne cherche pas de job. Mes têtes de listes ne cherchent pas de job. C'est pourquoi nous sommes libres", martèle-t-elle avec un peu d'émotion dans la voix où l'on comprend qu'elle quitterait l'hémicycle avec regret.