Jamel Leulmi a-t-il assassiné son épouse en 2007 lors d'un mystérieux accident de la route et tenté de tuer une autre conquête au Maroc fin 2009 pour empocher des millions en assurances-décès? La cour d'assises de l'Essonne rend son verdict ce jeudi.
"Je suis innocent. C'est tout ce que j'aurai à ajouter", a déclaré l'accusé, visage fermé, avant que le jury ne parte délibérer vers 9h45.
Agé de 36 ans, cet insatiable amateur de femmes au physique de bodybuilder qui clame son innocence, encourt la réclusion criminelle à perpétuité, une peine que le ministère public a d'ailleurs requise mercredi, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans, le maximum.
Fustigeant une véritable "mécanique de la séduction" au service d'une ambition criminelle, l'un des deux avocats généraux, Rémi Crosson du Cormier, a cinglé : "Le moteur de tout cela est l'argent, conditionné à la mise à mort des victimes (...) Leulmi utilisait ce système d'assurances comme un mode de ressources et d'enrichissement. Il a gagné une fois, et fait l'erreur de recommencer".
Reste qu'après plus de trois semaines et demie de débats, le procès de Leulmi, surnommé par une partie de la presse le "Barbe bleue de l'Essonne",
aura gardé une bonne part de son mystère à défaut d'avoir tenu toutes ses promesses.
A l'audience, chaque détail du dossier d'instruction, lourd de 10.000 pages, a été discuté, décortiqué par les parties, parfois âprement, tandis que des dizaines de témoins défilaient à la barre.
Jamel Leulmi a tenté de présenter à l'audience le visage d'un veuf éploré, victime d'une machination qui le dépasse, cherchant à "comprendre" pourquoi il se trouvait dans le box des accusés.
Il est poursuivi pour l'assassinat de Kathlyn Vasseur, avec qui il s'était marié seulement deux mois plus tôt, décédée après avoir été percutée par une voiture, à vélo, une nuit de janvier 2007. La justice lui reproche aussi d'avoir tenté d'assassiner ou de faire assassiner Julie Derouette, une de ses très nombreuses conquêtes, agressée en marge d'un mystérieux accident de voiture une nuit de décembre 2009 au Maroc.
Sa défense a plaidé la relaxe. Pour Me Eric Dupond-Moretti, "après quatre ans d'instruction, on ne sait rien! On peut tout envisager".
La vérité jamais connue:
Kathlyn Vasseur, Julie Derouette: deux jeunes femmes fragiles ou naïves, dont la relation amoureuse avec l'accusé paraît avoir fait l'objet d'un culte du secret.
Un mariage ou une proposition de mariage éclair. Des assurances-décès souscrites avec un luxe de précautions pour des montants faramineux au seul bénéfice de M. Leulmi. Des accidents de la route survenus dans des circonstances troubles.
"Il n'y a pas dans ce dossier un seul élément qui, pris isolément, constitue une preuve suffisante, a relevé l'un des avocats des parties civiles, Jean Boudot,
lors de sa plaidoirie. Mais quand vous les reliez les uns aux autres, quand vous faites un effort de logique, de raison (...) alors là vous commencez à venir sur le terrain de la preuve".
A l'audience, Jamel Leulmi, que les experts décrivent comme un "manipulateur" hors pair, a multiplié les explications plus ou moins convaincantes, semblant avoir réponse à tout.
Mais la cour d'assises a pu également apprécier le contraste lorsque l'accusation se faisait trop mordante. M. Leulmi, faisant toujours preuve d'une infinie politesse, savait alors se réfugier dans la "confusion" de ses souvenirs pour des faits, il est vrai, vieux de plus de six ans.
Ainsi interrogé sur sa curieuse attitude lors de l'accident qui coûta la vie à Kathlyn, son épouse sur laquelle il resta allongé au moins dix minutes, l'intéressé s'est montré évasif: "C'est très confus (...) Je ne sais pas quoi dire."
Était-ce pour "la protéger" comme il l'affirme ou pour l'étouffer comme le croit l'accusation?
"Il ne sera jamais possible de connaître l'entière vérité dans ce dossier", a résumé la seconde avocate générale, Sophie Havard.
En effet, si M. Leulmi venait à être reconnu coupable, la question des complicités et notamment le rôle de sa compagne Céline, que les parties civiles regrettent de ne pas voir elle aussi dans le box des accusés, resterait en suspens.
>> Voir le reportage de Laurence Barbry et Audrey Natalizi