"Kind of Blue" de Miles Davis, "Giant Steps" de John Coltrane, "Time Out" de Dave Brubeck... ces albums, devenus cultes, ont tous vu le jour en 1959, un millésime exceptionnel auquel le festival Jazz à Villette (3-14 septembre à Paris) consacre son premier week-end.
"Cette année 1959 a été un tournant incroyable dans l'histoire du jazz, avec un bouillonnement créatif fou qui a débouché sur la naissance d'albums extrêmement innovants dont bon nombre font partie aujourd'hui de la discothèque idéale de tout amateur", explique Vincent Anglade, coprogrammateur du festival.
"C'est une année capitale dans l'histoire du jazz, avec la parution d'une série de disques porteurs de concepts nouveaux et très forts, qui vont modifier en profondeur la manière dont les musiciens de jazz envisagent leur pratique", confirme Vincent Bessières, journaliste spécialisé et commissaire des expositions récentes consacrées à Miles Davis puis Django Reinhardt à la Cité de la Musique.
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D'autres disques décisifs furent publiés lors de cette année faste. A Jazz à la Villette, le contrebassiste Henri Texier s'emparera de "Mingus Ah Um", un de ses disques de chevet, dans une formation où figure le guitariste électrique Nguyen Lê, bousculant l'instrumentation de l'original. Le trompettiste Stéphane Belmondo se penchera sur "Blowin' the blues away", un album du pianiste hard bop aux accents funky Horace Silver, disparu en juin dernier. Get The Blessing, ludique quartet anglais né en 2000 sous l'impulsion de Jim Barr et Clive Deamer, transfuges du groupe trip-hop Portishead, va interpréter la musique de "The Shape of Jazz to Come" du saxophoniste alto Ornette Coleman, son héros.
"L'approche modale de l'improvisation, au coeur de 'Kind of Blue', l'exploration des logiques harmoniques les plus complexes de Coltrane dans 'Giant Steps', la remise en question des rapports qu'il peut y avoir dans un groupe de jazz avec une pratique de l'improvisation beaucoup plus libre chez Ornette Coleman dans 'The Shape of Jazz to Come', la réflexion sur le rapport au temps et à la pulsation au coeur de 'Time Out' de Dave Brubeck, la dimension politique de Mingus... Tout cela arrive à la fin d'une décennie (celle des années 50) parce que les musiciens ont fait le tour des concepts du jazz moderne et du bebop", souligne Vincent Bessières.
"Great Black Music"
Autre album marquant de 1959: "What'd I Say" de Ray Charles, et son rhythm'n blues imprégné de gospel. Pour restituer le groove et les feulements du Genius: Eric Legnini aux claviers, entouré des chanteuses Alice Russell, Sandra Nkaké, et Elena Pinderhughes. Jazz à La Villette donnera encore largement la parole lors de cette édition aux musiques populaires noires américaines (funk, soul, rythm'n blues, blues, hip hop...).
Maceo Parker, ex-membre des JB'S, fameuse section de cuivres de James Brown, ouvrira les festivités avec son funk "old school". Charles Bradley, dont la soul rustique et la voix rauque rappellent un certain Otis Redding, lui emboîtera le pas le lendemain. Deux chanteurs d'une soul plus actuelle se succèderont le 11 septembre à la Grande Halle de La Villette: Laura Mvula, entre soul, pop et folk, et le plus avant-gardiste José James.
En clôture, le saxophoniste Archie Shepp donnera une création tournée vers le blues, une musique qui irrigue régulièrement son jazz, avec parmi ses invités le guitariste Joe Louis Walker.
Plusieurs fleurons du jazz contemporain seront également à l'affiche: le contrebassiste Avishai Cohen, pour une rencontre avec Kurt Rosenwinkel, l'un des guitaristes les plus lyriques du moment, le saxophoniste Joshua Redman, ou le trompettiste Ambrose Akinmusire. "Under The Radar", sorte de festival off, fera la part belle à des musiciens qui brouillent les pistes, dont Caravaggio et sa musique bruitiste et électronique, l'Ensemble Art Sonic, un quintette interprétant une musique au gré des vents qui le composent, ou encore l'Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp.