Jérôme Kerviel passe ses dernières heures derrière les barreaux: l'ex-trader de la Société générale, symbole des dérives de la finance qu'il dénonce aujourd'hui, sort de prison lundi, ayant obtenu un aménagement de peine sous bracelet électronique.
Condamné définitivement en mars à cinq ans d'emprisonnement, dont trois ferme, pour avoir causé une perte de 4,9 milliards d'euros à la banque, il aura donc passé un peu plus de 150 jours, soit près de cinq mois, en détention.
Lundi, il quittera la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) pour aller se faire poser un bracelet électronique au service d'insertion et de probation. Un boîtier de contrôle sera installé à son domicile qui permettra aux services pénitentiaires de vérifier qu'il respecte bien ses horaires de sortie (7h00-20h30 du lundi au vendredi mais liberté totale de mouvement les week-end et jours fériés), puisque le condamné reste techniquement "sous-écrou".
Jérôme Kerviel va ainsi "reprendre le cours d'une vie tout à fait normale" s'était félicité son avocat, Me David Koubbi, en annonçant jeudi la décision de la cour d'appel de Paris de confirmer l'aménagement décidé début août par un juge d'application des peines, contre lequel le parquet avait immédiatement fait appel. Me Koubbi a indiqué que son client, qui sera employé comme consultant dans une entreprise de conseil en système et logiciel informatiques dans laquelle il avait déjà travaillé entre 2008 et 2010, allait consacrer une partie de son temps libre à "des engagements citoyens".
L'ex-trader purgeait sa peine depuis la mi-mai et avait déjà exécuté au début de l'enquête 41 jours en détention provisoire.
Jusqu'en juin 2015
Il sera tenu de conserver son bracelet électronique jusqu'au 26 juin 2015, date à laquelle il pourra bénéficier, s'il n'y a eu aucun incident, d'une mesure de libération conditionnelle, selon une source judiciaire. La défense de l'ex-trader avait appuyé sa demande sur le fait qu'une fois déduites sa détention provisoire et les remises de peines automatiques prévues par la loi, il pouvait solliciter en juillet 2015, soit à la moitié de sa peine, une libération conditionnelle. Or, le code de procédure pénale prévoit qu'une mesure d'aménagement de peine "peut être exécutée un an avant" la mi-peine.
Durant son parcours judiciaire, l'ex-trader, qui avait en 2008 joué 50 milliards d'euros sur les marchés au nom de sa banque en camouflant ses positions, a reconnu une part de responsabilité avant de se présenter comme la victime d'un système, accusant la Société générale de machination et la justice de partialité.
Soutenu par des personnalités politiques, notamment Jean-Luc Mélenchon, ou des hommes d'église, il a mené avant son incarcération un périple ultra-médiatisé en Italie, après avoir croisé le pape François lors d'une "audience générale" à Rome.
En mars, la Cour de cassation avait confirmé sa peine de prison mais annulé les 4,9 milliards de dommages et intérêts auxquels Kerviel avait été condamné, estimant que les "négligences" de la banque avaient concouru à "la fraude et à ses conséquences financières". Ce volet sera prochainement rejugé devant la cour d'appel de Versailles.
Par ailleurs une information judiciaire a été ouverte à Paris pour escroquerie au jugement et faux et usage de faux, en lien avec des plaintes de Jérôme Kerviel qui accuse la Société générale d'avoir aggravé après son départ les pertes qui lui ont été imputées.