Le procès d'un vaste trafic de faux papiers pour l'obtention de titres de séjour, organisé sur fond de corruption, avec la complicité d'un avocat, de faussaires et d'une fonctionnaire, s'est ouvert lundi à Versailles.
Un avocat, un boucher, des faussaires, une femme agent d'accueil de la préfecture du Val-de-Marne... Au total, 21 personnes de 30 à 61 ans, dont douze demandeurs de titres de séjour, sont jugées devant la 7e chambre correctionnelle, notamment pour "corruption active et passive", "faux et usage de faux" et "obtention indue de documents administratifs", entre 2006 et 2010.
A la tête de la filière, un boucher du Val-de-Marne de 57 ans, Lahoucine Jouan, déjà condamné pour escroquerie, et épaulé dans sa défense par l'avocat de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog.
Ce gérant de plusieurs boucheries est suspecté d'avoir procuré à environ une vingtaine de "clients" des faux documents censés attester de leur présence d'au moins 10 ans sur le territoire français ou d'un état médical grave. Selon l'accusation, la filière fonctionnait avec la complicité de faussaires et d'un avocat algérien inscrit au barreau de Paris, Me Mohamed Laribi, qui complétait et déposait les dossiers falsifiés dans les préfectures des Yvelines et du Val-de-Marne.
Avocat "désargenté" et "peu regardant", Me Laribi a peut-être "dépassé les limites de la déontologie", mais "il n'a pas fabriqué de faux", a indiqué son conseil Me Pascal Bruelle. Les demandeurs auraient versé entre 1.000 et 15.000 euros à M. Jouan et ses complices pour obtenir un titre de séjour, sachant que leur dossier comportait tout un kit de faux documents: certificats médicaux, fiches de paie, attestations de scolarité et d'hébergement...
L'affaire débute fin 2007 lorsque les fonctionnaires de la police aux frontières (PAF) mettent en cause un ressortissant tunisien après avoir découvert des faux documents dans son dossier à la préfecture des Yvelines, à Versailles.
Le demandeur avoue alors aux enquêteurs qu'il été mis en relation par son cousin avec Hedi Ben Amor, l'un des faussaires présumés, et M. Laribi, à qui il a versé personnellement 3.000 euros. C'était le prix à payer pour se faire assister par l'avocat et obtenir le titre de séjour, "pas pour avoir de faux documents", a-t-il expliqué à la barre, jurant n'avoir eu "aucune idée de ce qu'il y avait dans le dossier".
Au fil de leurs investigations, la PAF, puis la police judiciaire de Versailles, avaient mis au jour des complicités jusque dans les préfectures. Comme dans le Val-de-Marne, où une femme agent d'accueil serait intervenue pour renseigner sur l'avancement des dossiers et délivrer des tickets permettant la remise de récépissés, documents provisoires de séjour... En échange de viande gratuite, mais "sans pouvoir de décision sur les dossiers", a indiqué son avocat, Me Denis Solanet.
Après les comparutions de leurs anciens "clients", les principaux acteurs du réseau seront appelés à la barre mercredi et jeudi. Vendredi matin, le ministère public rendra son réquisitoire avant les plaidoiries de la défense. Les peines encourues vont jusqu'à 10 ans d'emprisonnement pour les faits de corruption.