Paris, jadis sous-équipé en grandes salles symphoniques, va voir exploser cette saison l'offre classique, avec l'ouverture du Grand Auditorium de Radio France le 14 novembre, de la Philharmonie deux mois plus tard, sans compter la future Cité musicale de l'Ile Seguin en 2016.
Soit presque 5.000 places de plus dans une capitale qui ne manque pas de salles classiques, avec le Théâtre des Champs-Elysées, l'Opéra comique et les deux salles de l'Opéra de Paris, Garnier et Bastille. Mais aucune n'était véritablement adaptée aux plus grands orchestres symphoniques, font valoir les partisans de la Philharmonie, imaginée dès les années 70 par le grand chef d'orchestre français Pierre Boulez.
Sauf que le nouveau Grand Auditorium de Radio France se présente lui aussi comme "une salle symphonique", de 1.461 places. Les deux salles ne risquent-elles pas de se marcher sur les pieds?
"Si c'est pour faire tout le temps les mêmes concerts avec les mêmes programmes, les mêmes artistes et le même modèle, deux heures avec entracte, sans doute qu'il y a trop de places", rétorque Jean-Pierre Rousseau, directeur de la Musique à Radio France. Il défend des modèles innovants, comme ces concerts "expresso" à 19H00 lancés par Radio France à la rentrée et pourquoi pas à 22H30, comme cela se fait à Berlin.
"Il faut une profonde transformation de la consommation de musique classique à Paris", souligne-t-il, "sinon on plonge tous en même temps". Comme Radio France, la Philharmonie espère générer un nouveau public, d'autant qu'elle est ancrée dans le nord-est populaire, alors que les autres salles sont implantées dans l'ouest plus bourgeois.
Avec sa grande salle de 2.400 places, sept salles de répétition, deux restaurants, un espace d'exposition et un pôle pédagogique, la Philharmonie vise plus de 600.000 visiteurs par an, dont 100.000 pour les activités pédagogiques, trois fois plus que la Cité de la musique (28.000). Pour séduire les jeunes et les familles, son patron Laurent Bayle a baissé les tarifs de 15 à 20% et diversifié l'offre: 70 concerts hors classique sur 270 au total.
Pour la Ville de Paris c'est insuffisant: la Philharmonie doit s'orienter vers un "nouveau modèle", avec davantage de musique populaire, réputée moins chère, et réduire son budget de fonctionnement (32 millions par an, dont 16 millions à répartir entre la Ville et l'Etat). Lors d'un conseil d'administration lundi, le ministère de la Culture s'est engagé à assumer seul le surcoût des travaux (45 M), la Ville ayant refusé de verser au pot. Un groupe de travail Etat/Ville doit traquer les économies possibles sur le budget de fonctionnement pour 2015.
Pleyel interdite de classique
C'est la dernière péripétie d'un feuilleton financier qui a vu le budget de construction passer de 200 millions à 381 aujourd'hui. A voir l'édifice encore en chantier, on peine à imaginer l'élégante colline d'acier, recouverte d'oiseaux métalliques, qui doit à terme surplomber le périphérique et offrir aux visiteurs une promenade sur son toit. L'ouverture est toujours programmée le 14 janvier avec un concert de l'Orchestre de Paris sous la baguette de Paavo Järvi, avec la pianiste Hélène Grimaud et le violoniste Renaud Capuçon.
Quant à la salle Pleyel, dans le 8e arrondissement, elle sera déléguée à un opérateur privé pour 15 à 20 ans par son propriétaire, la Cité de la Musique, pour une programmation de "musique populaire de qualité", qui "exclut tout concert ou spectacle de musique classique", selon l'appel d'offre.
Laurent Petitgirard, chef de l'Orchestre Colonne, dénonce une décision "autoritaire". Le directeur général adjoint de la Cité de la Musique, Thibaud de Camas, rappelle que "Pleyel était dans le passé beaucoup plus polyvalente qu'aujourd'hui": la salle a accueilli "tous les grands jazzmen de l'après guerre" et, sous la houlette de la Cité de la Musique, des chanteurs (Bashung, Christophe) et des rock stars comme Lou Reed et Patti Smith.
Sept candidats figurent dans la "short list", des poids lourds du spectacle, de l'Olympia aux Folies Bergère (Lagardère) en passant par le tandem Jean-Marc Dumontet-Laurent Ruquier et le site internet Vente-privée (Le Théâtre de Paris et la Michodière). Réponse début décembre.