Une vente de masques amérindiens prévue lundi à Paris suscite à nouveau l'émoi des indiens Hopi, soutenus par les Etats-Unis qui demandent le retrait de ces lots considérés comme sacrés par cette tribu.
La maison d'enchères Eve organise à l'Hôtel Drouot une nouvelle vente d'art amérindien, eskimo et précolombien (270 lots au total) qui comprend vingt-cinq masques Hopi ainsi que huit masques Navajo. C'est la quatrième fois depuis 2013 qu'une des ventes d'art amérindien de cette société est contestée par les Hopi, qui n'ont jamais eu gain de cause jusqu'à présent.
Le Conseil des ventes volontaires (CVV), autorité de régulation des enchères, "a considéré jeudi que cette vente était légale", a indiqué dimanche Alain
Leroy, le commissaire-priseur d'Eve Enchères. Le CVV avait émis la même analyse les fois précédentes.
Le CVV avait été saisi mardi par l'association américaine Holocaust Art Restitution Project (HARP) qui s'occupe principalement de la restitution des objets d'art pillés aux Juifs par les Nazis.
De leur côté, la tribu Hopi et l'association de défense des peuples aborigènes Survival International ont annoncé vendredi avoir engagé une procédure judiciaire pour obtenir l'identité des vendeurs et acquéreurs des masques Hopi qui seront mis en vente lundi.
Simultanément, l'ambassade des Etats-Unis en France a demandé "le retrait temporaire de la vente des objets susceptibles d'être des biens culturels Hopi
et Navajo à caractère sacré afin de laisser aux représentants de ces nations le temps d'expertiser leur nature et leur provenance, et d'envisager les recours possibles pour leur restitution".
Dans un communiqué publié samedi, l'ambassade "réitère son appel auprès de la maison de ventes Eve afin qu'elle encourage un dialogue entre les vendeurs de ces objets sacrés et les nations Navajo et Hopi, pour aboutir à la restitution de ces objets à ces nations".
Par trois fois déjà en 2013 et 2014, le président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris a rejeté les demandes en référé déposées par les Hopi et Survival International pour tenter d'obtenir la suspension de ces ventes. C'est pourquoi la tribu et l'association ont choisi une autre approche cette fois-ci
en cherchant à obtenir l'identité des vendeurs et des acheteurs. "Nous n'avons pas l'intention de divulguer le nom des vendeurs et des acheteurs de masques. Cela reste du domaine privé", a averti Me Leroy.
Jusqu'à présent, Eve Enchères a pu tenir ces ventes sans problème et elle entend bien continuer même si la tribu Hopi et les Etats-Unis continuent à entretenir "une pression médiatique", selon elle.
"Les objets présentés à la vente lundi sont licites à la possession, à la collection et à la vente aussi bien aux Etats-Unis qu'en France", a affirmé Me Leroy.
"Cette vente n'est pas scandaleuse car elle n'est pas interdite", a-t-il ajouté.
Parmi les fleurons de la vente, un masque heaume "à double étage", fabriqué par les indiens Hopi au début du XXe siècle, est estimé entre 40.000 et 60.000 euros. Il a appartenu à Adélaïde Mesnil, la fondatrice du musée d'art moderne de Dallas dont l'époux était anthropologue.
Un masque Hopi très sobre aux grands aplats de couleurs datant des années 1930 est estimé 6.000 à 8.000 euros. On dirait un "Mondrian", selon la maison de ventes.
Les masques Navajo sont également considérés comme sacrés par cette autre tribu. "Plusieurs de ses représentants sont venus prier et se recueillir samedi devant les objets" qui vont être mis en vente, a indiqué Me Leroy. Il est possible qu'ils achètent quelques pièces lundi pour les ramener dans leur communauté.
Pierre Servan-Schreiber, responsable du cabinet Skadden Arps à Paris et membre de l’Alliance des avocats pour les droits de l’homme, est mandaté par Survival International et la tribu Hopi.
Les Katsinas qui vont bientôt être dispersées au lieu d'être rendues aux Hopis. #drouot, #hopis pic.twitter.com/tBX9pOrCY6
— P. Servan-Schreiber (@Psschreiber55) 15 Décembre 2014
Histoire
La tribu Hopi de l'Arizona compte environ 18.000 membres. Portés par des danseurs lors de cérémonies religieuses, généralement interditesaux blancs, ces masques traditionnels sont considérés comme des êtres vivants par les Indiens.
La communauté Navajo compte de son côté quelque 200.000 individus répartis en Arizona et dans les Etats du Nouveau-Mexique, d'Utah et du Colorado.