Contrairement à l'agriculture traditionnelle, qui traverse sans doute la plus grande crise de son histoire, l'agriculture bio se porte bien et accélère sa croissance. Au point d'apparaître comme l'alternative à la crise. Mais de quelle agriculture bio parle-t-on ?
En apparence, tous les indicateurs sont au vert absolu pour l'agriculture bio en France.
D'abord, il y a les chiffres. L'évolution des surfaces cultivées en bio en France ne cesse d'augmenter depuis déja plusieurs années et croît désormais de plus de 10% par an. Entre 2014 et 2015, les surfaces cultivées en bio en France ont même augmenté de 17%.
Le chiffre d'affaires du bio augmente chaque année depuis la fin des années 1990. En 2016, le taux de croissance de ce chiffre d'affaires était de près de 7%. Un taux de croissance qui fait des envieux à une époque de croissance molle voire inexistante dans la plupart des secteurs.
Consommateur et distribution sont prêts
Et puis il y a le consommateur qui demande de plus en plus de ces produits. 9 français sur 10 disent consommer du bio au moins occasionnellement. Mieux encore, 65% des consommateurs affirment en acheter régulièrement.Conséquence, et autre signe que le secteur est florissant : la distribution, et même la grande distribution a senti le bon filon et entre en force sur le créneau, prête même, aux dires de la Fédération Nationale d'agriculture biologique, d'accepter de faire des efforts sur ses marges pour prendre pied sur ce marché ! Et il suffit de regarder pour constater le nombre d'ouvertures de magasins ou de rayons spécialisés.
En somme, tout va bien pour les acteurs de l'agriculture bio : elle est devenue un marché porteur, attirant et en développement. C'est dans ce contexte que se sont tenues, ce 14 novembre 2016, les 9èmes Assises Nationales de l'Agriculture Biologique. Avec le sourire aux lèvres donc !
Quel rapport au sol ?
Mais c'est justement le moment qu'à choisi le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, pour venir interpeller la filière et la mettre face aux choix cruciaux pour l'avenir. "Le bio est à un tournant, a expliqué le ministre. Voulez-vous et doit-on nous contenter d'un bio sans pesticide ou le bio doit-il être autre chose et notamment un produit du sol, local et poussé naturellement ? Voulons-nous et le bio doit-il produire des animaux nourris avec des végétaux mais qui restent enfermés sans jamais paître dans un pré ? " En d'autres termes, le ministre demande si l'agriculture bio peut-être une agriculture hors-sol, qui certes n'utiliserait pas de pesticides mais serait aussi produite dans des conditions artificielles. Et pas forcément locales.Stéphane Le Foll n'est pas, il faut être juste, le seul à poser cette question. Beaucoup des agriculteurs concernés se la posent. Et pour l'ensemble des acteurs de la filière (hors la distribution) c'est la question centrale. Tellement centrale que le nouveau cahier des charges de l'agriculture bio est actuellement en discussion à Bruxelles autour de ce sujet là : "Quel doit être le lien au sol, à la campagne, à la nature" de l'agriculture bio ?" Et il va sans dire qu'au niveau européen, la question ne fait pas l'unanimité.
Car l'enjeu économique est assez différent selon la réponse que l'on donne à cette question. On sait aujourd'hui produire "hors-sol", y compris dans les normes bio telles qu'elles sont définies aujourd'hui. Et la production dans ces conditions, peut croître dans des proportions considérables, donc rapporter beaucoup d'argent.
En revanche, les quantités possibles dans le cadre d'un "lien au sol" limitent le marché et donc le gain financier.
Mais le bio "hors-sol", même sans pesticide, est-ce vraiment du bio ? Et le bio "sans utiliser de pesticide", et seulement ça, est-ce que c'est suffisant pour être du bio ? Les vraies questions, le véritable enjeu pour l'avaenir du bio sont dans la réponse que l'on va donner à ces questions.