#Carrefour retire ta plainte : la grande distribution en justice contre des militants anti-précarité

Ce lundi, deux militants de Montreuil comparaissent en appel pour « vol en réunion ». Durant le Covid, ils ont rempli leurs chariots de biens de première nécessité dans un supermarché Carrefour situé à Paris pour les redistribuer à des personnes dans le besoin.

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C’était au temps maudit du Covid. À l’époque où se succèdent confinement, couvre-feu et retour à la normale. À Paris, des files interminables d’étudiants ou de familles se tiennent devant des points de distribution. Cette crise de la faim — que personne n'avait vu venir – pousse associations et collectifs à se mobiliser.

Le 31 janvier 2021, Damien et une cinquantaine de militants de Montreuil d’un auto-proclamé « collectif contre la précarité » investissent le supermarché Carrefour Market à Paris, dans le XIIIe arrondissement. « On vient leur demander qu’ils nous concèdent des produits de première nécessité et qu’ils fassent un effort, car ces grandes enseignes ont largement profité de cette période et se sont enrichies », affirme Damien, l’un des participants. Certains militants filment l'action et la postent sur les réseaux sociaux. 

Munis de banderoles et de slogans, ils occupent le magasin puis remplissent plusieurs caddies de pâtes, riz, conserves et produits d’hygiène sous les yeux des vigiles. La police débarque. Le responsable échange avec les militants, puis avertit par téléphone sa direction.

Carrefour a accepté de leur céder la marchandise qu’ils avaient déjà pris dans leurs caddies et leurs sacs seulement s’ils s’agissaient de denrées primaires et de première nécessité en matière d’hygiène.

Le responsable du magasin Carrefour Market

Procès verbal du dépôt de plainte

« On était las de faire 'les poubelles' des magasins, de récupérer les invendus ou des produits périmés. Ils nous semblaient normal de demander des produits de première qualité », détaille Damien. Pour lui et ses camarades, un accord oral paraissait avoir été conclu dans une « bonne ambiance ». L’équipée repart avec différents sacs de victuailles qu’elle redistribuera à différentes associations et collectifs.

38 000 euros à rembourser

Pourtant, le responsable du magasin va déposer plainte quelques heures plus tard pour "vol en réunion". Damien et un camarade contrôlés par la police écopent pour tout le monde. Carrefour leur réclame 16 449 euros de marchandises, 18 000 euros au titre de la perte d’exploitation. L’enseigne leur reproche notamment d’avoir dérobé 112 bouteilles d’alcool, des flacons de parfum, des produits Hi-Fi. « C’est complètement faux. Ce sont des erreurs de stocks, de gestion qu’ils veulent faire passer sur notre dos », s’offusque le travailleur du médico-social.

Comment a-t-on pu dérober tout cela sous les yeux des vigiles et des policiers présents ? Pourquoi n’ont-ils pas présenté les images de vidéo-surveillance du magasin à la justice ?

Damien, militant

 

En première instance, le juge les condamne à une amende de 2000 et 1500 euros avec sursis, suivant en cela les réquisitions du procureur. Au civil, cela se corse. Ils sont condamnés à verser 38 000 euros de dommages et intérêts. « Vu mon salaire, je suis condamné à les rembourser durant 20 ans, s'étouffe ce travailleur dans le médico-social. Cela n’a pas de sens, surtout quand on voit les bénéfices dégagés par Carrefour l’an passé, plus d’un milliard et demi d’euros. »

Les militants ont fait appel de cette décision et espèrent la relaxe. Depuis deux ans, le collectif « Carrefour, retire ta plainte ! » interpellent les responsables du groupe pour leur demander de renoncer à cette sanction financière. Manifestations, actions coup de poing lors de réception, interpellations de responsable, rien n'y fait.

Contacté, Carrefour nous a transmis un communiqué de presse dans lequel il assure maintenir sa demande. « Concernant l’opération "d’auto-réduction" qui s’est déroulée le 30 janvier 2021 et à laquelle vous faites référence, Carrefour a subi un préjudice financier s’élevant à plus de 16000 euros de produits sortis du magasin sans avoir été payés. À cela s’ajoute le traumatisme de nos collaborateurs et de nos clients sans parler de la perte d’exploitation engendrée par la fermeture du magasin pendant 3 heures."

Le procès en appel a lieu ce lundi 7 octobre à la cour d'appel de Paris.

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