Covid-19: les accouchements "masqués" font débat

Accoucher masquée ? La plupart des maternités demandent le port du masque pour accoucher afin de limiter la propagation du virus. Le collectif Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques le dénonce. De jeunes mères témoignent. Le débat agite le milieu médical.

"J’ai accouché avec un masque. Je l’ai gardé du matin au soir au moment de mon accouchement. Tout le monde en portait un dans la salle de naissance. Il y avait quelque chose de surréaliste. En fait j’ai fini par l’oublier", témoigne Line qui a accouché d’un petit Maxime en juillet dernier à la maternité Port-Royal à Paris. "Je ne peux pas dire qu’il m’ait gêné. Mais après coup quand j’y repense, c’est dur de se dire que l’on a accouché masquée".
 

Il va falloir faire avec, de toutes façons, je n'ai pas d’autres choix

Lucie

Lucie, enceinte de 4 mois et demi sait qu’elle sera obligée de garder son masque pour son accouchement, prévu en février prochain dans une maternité parisienne. "C’est obligatoire. Il va falloir faire avec, de toutes façons, je n'ai pas d’autres choix. C’est un peu angoissant mais s’il le faut…", confie-t-elle.

Fanny, la maman d’un petit Maël, qui a aujourd’hui 6 mois, a accouché masquée dans une clinique à Versailles. Son accouchement a été difficile. "J’ai vomi plusieurs fois. Ça me coupait. Quelque chose me gênait. Je n’étais pas dans les conditions optimales pour y arriver. J'ai finalement eu une césarienne. Dire que c’est à cause du masque je ne sais pas. Peut-être y a-t-il eu une cause à effet ?", s’interroge-t-elle.
 

"Porter un masque pendant l'effort expulsif n'est pas compatible"

Adrien Gantois, président du Collège national des sages-femmes

Les témoignages de femmes ayant mal supporté leur accouchement masqué se multiplient. Le collectif "Stop aux violences obstétricales et gynécologiques" en a recueilli plus d'un millier après un appel lancé sur les réseaux sociaux. "Ce sont des violences obstétricales faites aux femmes" dénonce Sonia Bisch, la fondatrice et porte-parole du Collectif "Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques. "L’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, dit qu’il ne faut pas porter le masque quand on fait son footing ou alors pendant les cours de EPS. C'est un non sens de l'imposer pendant un accouchement alors que l'effort physique est comparable à celui d'un marathon", s’insurge Sonia Bisch.

Le collectif n’est pas seul à dénoncer cette obligation faite aux femmes. Adrien Gantois, président du Collège national des sages-femmes explique que "porter un masque pendant l'effort expulsif n'est pas compatible". 
           
Selon le collectif et les témoignages réunis, porter le masque peut être source de complications médicales ou psychologiques : problème de respiration, d’essoufflement, gêne pour pousser ou sentiment d’un moment gâché voire de dépression post-partum. Pourtant, le 30 septembre dernier le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)  a rendu un avis différent en préconisant le port du masque pendant le travail et l’expulsion. "Le port du masque est recommandé en présence des soignants. Pendant les efforts expulsifs, (il) est souhaitable car il protège les soignants et la femme elle-même". Mais "il ne peut être imposé", peut-on lire dans son rapport. "La situation est exceptionnelle", justifie l'un des auteurs, Olivier Picone, gynécologue-obstétricien à l'hôpital Louis-Mourier de Colombes (Hauts-de-Seine). "Face à une forte poussée de l'épidémie, nous avons un double objectif: protéger les patientes et les personnels", souligne-t-il.
 

Sonia Bisch ne comprend pas la position des obstétriciens. "Malheureusement, le CNGOF a validé cette violence obstétricale en émettant des recommandations dans les sens du port du masque. Au Royaume-Uni et aux USA, le port du masque est banni. Et puis, le collège parle de recommandation mais la plupart des maternités l'imposent".

Line, la maman de Maxime dit comprendre les inquiétudes. Cependant elle regrette l'attitude de certains personnels soignants. "Dans ma chambre, certaines personnes étaient tolérantes, si j’avais le bébé dans les bras ou si j’allaitais, elles ne m’obligeaient pas à remettre mon masque mais d’autres ne voulaient pas rentrer dans la chambre. En ce moment si particulier qu'est l'accouchement, ces contraintes autour de la covid ne sont pas forcément très bien vécues", témoigne t-elle. "Pourquoi les soignants n’ont pas de FFP2 ? Cela permettrait de ne pas en porter".

La plupart des maternités appelées ce jour oblige le port du masque dans la salle de naissance en présence du personnel pour éviter la propagation du coronavirus. Tout comme Line, le collectif et le président du Collège national des sages-femmes en appellent au bon sens. Adrien Gantois demande aux maternités qui "rendent le masque obligatoire pendant cet effort physique important, à revoir leur copie et à privilégier le port d'un masque FFP2 pour les soignants".

Aujourd'hui, le collectif Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques interpelle le gouvernement. "Une recommandation n’est pas une loi. Le ministre de la Santé, Olivier Véran n’a pas dit un seul mot depuis le début de l’épidémie sur le masque lors de l’accouchement et la présence de l’accompagnant. Aucun mot comme si la santé des femmes qui vont accoucher ne comptait pas. On attend que le ministre se prononce sur le sujet ! Il y a un vide législatif", ajoute-t-elle.

Le collectif appelle les femmes ayant accouché masquées à apporter leur témoignages sur sa page Facebook.
 
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