Quatre salariés et une ex-salariée d'une entreprise de nettoyage ont dénoncé lundi devant le Conseil de prud'hommes de Paris des faits de harcèlement sexuel et de discrimination, et réclamé l'annulation de sanctions disciplinaires ou leur réintégration. Le jugement sera rendu le 10 février.
Fait rare, le Défenseur des droits est intervenu à l'audience en soutien aux plaignants, estimant "établies" par son enquête les "allégations de harcèlement sexuel, de représailles et de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité".
Agents d'entretien de la société H. Reinié, sous-traitante pour la SNCF, ces quatre femmes et un homme travaillaient tous gare du Nord, où ils étaient chargés notamment du nettoyage des trains. Une société où il régnait début 2012 une "ambiance délétère", selon leur avocate, Me Maude Beckers, avec du "racket à l'embauche".
Les faits, commis notamment par des délégués SUD-Rail - démandatés ensuite -, sont dénoncés par le plaignant, alors délégué CFDT. C'est le début de ses ennuis, a expliqué Me Beckers: menaces de ses collègues, sanctions disciplinaires, pétition pour demander son départ... jusqu'à son licenciement en novembre 2013. Il sera finalement réintégré en juin 2014 sur décision du ministère du Travail, mais sur un autre site, ce qu'il refuse.
C'est parce que les quatre plaignantes refuseront de signer la pétition pour son départ qu'elles seront victimes de harcèlement sexuel de la part essentiellement de deux chefs d'équipe, selon l'avocate. Elles évoquent des "gestes obscènes", des hommes à qui "il est déjà arrivé de se frotter contre" elles, une collègue "enfermée dans une pièce" et qui subit des "attouchements" ou un chef qui "touche son sexe au-dessus de son pantalon en mimant des bruits sexuels".
Pour le directeur d'agence, il s'agissait de "blagues un peu salaces", a reproché l'Association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT), partie au procès. Et quand les plaignantes dénonceront les faits en décembre 2012, l'employeur ne respectera pas son "obligation de sécurité", selon Me Beckers. Il met en place une cellule psychologique pour les victimes mais n'éloigne pas immédiatement les agresseurs présumés.
Au contraire, ce sont les quatre plaignantes qui jusqu'alors, en sept à 17 ans d'ancienneté, n'avaient jamais eu d'avertissements, "à l'exception d'un en 2006" pour l'une d'elles, qui vont être "discriminées, sanctionnées". L'une sera licenciée en février dernier. Il y a eu "des mesures de rétorsion à chaque fois que les (salariés) ont parlé", a affirmé Me Beckers.
L'entreprise dément. "Nous sommes instrumentalisés dans ce débat", a plaidé Me Virginie Monteil, qui a mis en cause, sur le harcèlement sexuel, "l'évolution du témoignage" des quatre femmes. L'une est "témoin", puis "victime", puis "témoin", a-t-elle dit. Quant aux sanctions, elles font suite à des manquements professionnels, a-t-elle fait valoir.
Une plainte a été déposée au pénal en décembre 2012 visant les deux chefs d'équipe et une procédure est en cours au tribunal de grande instance de Bobigny, selon Me Beckers, mais les quatre femmes n'ont toujours pas été auditionnées.
"Si on était dans l'évidence des infractions qui sont dénoncées, le juge se serait peut-être précipité pour entendre les victimes", a observé Me Monteil. Jugement le 10 février.