Les experts désignés par la justice pour déterminer les causes de la catastrophe ferroviaire du 12 juillet 2013 à Brétigny-sur-Orge (Essonne) dénoncent "un état de délabrement jamais vu" du réseau. La SNCF conteste l'usage du mot "délabrement" et appelle à la plus grande prudence.
De nombreuses fuites ont rendus publics de larges extraits du rapport des experts mandatés par la justice, Michel Dubernard et Pierre Henquenet, que le Procureur de la République d'Evry doit présenter à la presse lundi 7 juillet 2014. (En réalité c'est de deux rapports qu'il s'agit)
Ainsi sait on que le rapport souligne : " nous ne sommes pas en présence d'un acte de malveillance, et que le processus ayant abouti à la désagrégation complète de l'assemblage s'est bien au contraire étalé sur plusieurs mois et a concerné l'ensemble de l'appareil de voie incriminé, sur lequel ont été relevées plus de 200 anomalies de divers degrés de criticités".
Terrible constat donc, et terrible mise en accusation de la SNCF. Le rapport d'ailleurs enfonce le clou, ajoutant :""la plupart de ces anomalies étaient connues de la SNCF ou de ses agents sans pour autant" qu'il y soit remédié "de façon adéquate". Selon les experts "l'armement a péri par fatigue, vibrations, battement, défauts de serrage, usure, etc. Des dommages relevant de la qualité de la maintenance. L''état du réseau à Brétigny aurait logiquement dû conduire la SNCF à une surveillance accrue, et surtout adaptée".
Dès dimanche soir, 6 juillet, la SNCF contestait l'utilisation de "l'expression outrancière d'état de délabrement jamais vu" employée par les experts judiciaires.
La compagnie ferroviaire invite à la "plus grande prudence" dans l'interprétation des rapports dont elle précise aussi que pour l'heure, ils ne sont pas en sa possession et dont elle a pris connaissance par voie de presse. Et si la SNCF reconnaît depuis le début de l'enquête que "le retournement de l'éclisse, origine immédiate de la catastrophe aurait pu être causé par un ou plusieurs défauts de maintenance sur cet aiguillage" elle rappelle "qu'elle a lancé dès le mois de juillet 2013 un programme d'actions immédiates".
La compagnie nationale des chemins de fer rappelle aussi "que toutes les expertises, dans un cadre judiciaire, font l'objet d'une discussion, d'un débat contradictoire".
Anniversaire
La remise de ces conclusions intervient quelques jours avant la date anniversaire du déraillement du Paris-Limoges qui, le 12 juillet 2013, avait fait 7 morts et 32 blessés. Un premier anniversaire que victimes et familles marqueront en se retrouvant à Brétigny-sur-Orge le 12 juillet 2014. Ces nouveaux rapports arrivent donc à un moment chargé d'émotion.
D'autres enquêtes ont été menées, parallèlement à l'enquête judiciaire: une enquête interne, conduite par la SNCF et le gestionnaire d'infrastructure
Réseau ferré de France (RFF), et une étude technique du Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), dont un rapport d'étape a été publié en janvier 2014.
Ce dernier mettait déjà en cause les règles de maintenance en vigueur à la SNCF et rappelait qu'une éclisse à quatre boulons avait fini par ne tenir que par un seul boulon et avait pivoté, provoquant le déraillement du train.
La violence des accusations qui semblent ressortir de cette enquête judiciaire, ainsi que la convergence des conclusions des différents rapports conduisent, ce lundi 7 juillet 2014, les deux présidents, celui de Réseau Ferré de France ( Jacques Rapoport) et celui de la SNCF (Guillaume Pepy) à s'exprimer devant la presse, ensemble. Pour faire face à l'adversité.
>> Voir le reportage de Céline Cabral et Frédérique Bobin