Selon le Dr Fabien Quedeville, médecin généraliste à Chilly-Mazarin dans l'Essonne, un troisième confinement pourrait avoir des conséquences psychologiques désastreuses pour de nombreuses personnes.
Alors que plusieurs médias ont révélé que la piste d'un troisième confinement n'était pas écartée par le gouvernement, certains s'alarment de la hausse des souffrances psychologiques chez les plus jeunes comme les plus âgés.
Trois questions au Dr Fabien Quedeville, médecin généraliste à Chilly-Mazarin dans l'Essonne.
Constatez-vous une hausse des souffrances chez vos patients ?
Entre mars et juillet, on a eu un fort ralentissement des consultations et donc des gens malades qui ne venaient plus consulter. Il y a eu des retards de prise en charge, notamment pour des maladies cancéreuses, c'est l'effet du premier confinement. Progressivement, on a vu apparaître des troubles psychiques, anxio-dépressifs. On a aussi remarqué que les prescriptions d'anxiolytiques et d'antidépresseurs avaient considérablement augmenté.
On parle souvent des personnes âgées en Ehpad, mais les personnes âgées habituellement autonomes perdent de l'autonomie. Elles ont perdu toute interaction sociale car elles ont peur de voir leurs enfants, petits-enfants. Elles n'ont plus d'activités extérieures comme aller au cinéma. Il n'y a plus d'échappatoire à leur solitude et elles présentent des symptômes de dépression. D'autres populations sont touchées comme les enfants chez qui l'on voit apparaître une aggravation des surpoids faute d'avoir de l'activité physique. À force d'avoir des mesures limitant l'interaction sociale, la précarité sociale et psychique apparaît chez les étudiants.
Personnellement, j'ai plus de consultations sur les syndromes anxio-dépressifs et concernant le mal-être que pour la Covid. L'ensemble de la population, quelle que soit sa classe d'âge ou sa condition sociale, souffre de cette crise.
En quoi un troisième confinement viendrait aggraver cette situation ?
Il pourrait y avoir une forte aggravation de la souffrance. Je pense surtout aux jeunes qui n'ont plus de perspectives d'avenir, surtout dans des domaines comme la restauration, l'hôtellerie, la restauration. Cette population va vraiment souffrir de l'aggravation de ces mesures, comme la population âgée. Il y aura forcément augmentation des syndromes dépressifs et des risques de suicide.
Avec la crise économique, il y aura une augmentation du chômage donc cela entraînera forcément une augmentation de l'alcoolisme et des suicides. Si on aggrave la situation économique, on aggravera la situation sanitaire.
Le risque, c'est que l'on aggrave la situation sanitaire non pas pour des gens âgés mais durablement pour des gens jeunes qui sont l'avenir de la Nation, ce qui est catastrophique pour les années à avenir. Il faut prendre conscience de cette souffrance silencieuse. Des psychologues sont inquiets d'une vague psy qui n'en est qu'à son début. Quand on est victime d'un traumatisme, ce traumatisme va s'exprimer au fur et à mesure du temps.
Quelle stratégie faudrait-il adopter ?
Pour des anciennes épidémies, on n'a jamais confiné l'ensemble de la population. Il faut ré-insister sur le triptyque : soigner, dépister, isoler ; et renforcer les mesures de protections vis-à-vis des personnes âgées, fragiles et polypatholigues. Il faut éviter qu'elles soient en contact avec les gens malades. Je propose que l'on dépiste systématiquement les gens qui vont visiter les personnes âgées en Ehpad comme celles qui rentrent dans un hôpital. Aujourd'hui, on peut rentrer dans un hôpital sans être dépisté. Là où il y a le plus de gens fragiles, on ne dépiste pas. C'est une aberration.
Plutôt que de confiner, de poursuivre le masque en extérieur, il faut avoir des mesures de bon sens. Les gens ont très bien compris les gestes barrièresPlutôt que de confiner, de poursuivre le masque en extérieur, il faut avoir des mesures de bon sens. Il faut chercher les petits trous dans la raquette, chercher les lieux de contamination possibles, c'est là où la bataille va se jouer.