INTERVIEW. Pannes de fibre : Paris-Saclay appelle à une nouvelle expérimentation du mode de sous-traitance

L'Essonne souffre d'être le mauvais élève en matière de pannes d'internet. Le président de la communauté d'agglomération Paris-Saclay, Grégoire de Lasteyrie, dénonce des sous-traitants qui "saccagent" les installations.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Pour les Essoniens, le réseau Tutor Europ'Essonne est la source de tous les maux. En mars dernier, les élus de la communauté d'agglomération Paris-Saclay avaient annoncé leur intention de lancer une procédure de référé-suspension contre l'Arcepl'autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse – après deux plaintes contre X.

Grégoire de Lasteyrie appelle désormais le régulateur à expérimenter en tant que "territoire-pilote" une sous-traitance "temporaire" des raccordements via l'opérateur d'infrastructure plutôt que les opérateurs commerciaux.

ENQUÊTE. Pourquoi l'Essonne est parmi les départements les plus touchés en France par les pannes de fibre

Après avoir porté plainte puis poursuivi l'Arcep devant le Conseil d'État, qu'attendez-vous ?

Grégoire de Lasteyrie : Nous avons effectivement porté plainte contre X pour les nombreuses dégradations d'armoires de raccordement à la fibre constatées dans nos communes, dont nous soupçonnons qu'elles ont pu être commises par certains sous-traitants peu qualifiés ou peu scrupuleux. Il s'agit de certains "sous-traitants-de-sous-traitants" que les opérateurs commerciaux emploient pour effectuer les branchements de nouveaux abonnés.

Cette plainte est toujours en cours d'instruction sous l'autorité du procureur de la République d'Évry, qui a diligenté une enquête. Nous avons aussi saisi le Conseil d'État pour pousser l'Arcep à prendre pleinement ses responsabilités en enjoignant aux opérateurs commerciaux de mettre bon ordre dans le travail de leurs sous-traitants. 

"L'ARCEP doit prendre pleinement ses responsabilités en enjoignant aux opérateurs commerciaux de mettre bon ordre dans le travail de leurs sous-traitants"

Grégoire de Lasteyrie

Président de la CA Paris-Saclay, maire de Palaiseau

Nous considérons que notre initiative – la première action de cet ordre en France – a porté ses fruits puisque nous avons vu l'Arcep publier la liste nationale les réseaux de fibre les plus défaillants. Nous n'avons pas été surpris de découvrir que l’opérateur d’infrastructure sur le territoire de notre agglomération figurait malheureusement en tête de ce classement des pires élèves de la classe ! Ce "name and shame" a mis une vraie pression sur les opérateurs du déploiement de la fibre.

L'Arcep a également initié la réflexion sur la mise en œuvre du mode STOC-OI (sous-traitance des opérateurs commerciaux aux opérateurs d'infrastructures) qui imposerait que le raccordement final de chaque nouvel abonné soit réalisé, pour le compte de l'opérateur commercial, par l'opérateur d'infrastructure qui a lui-même construit le réseau. Ce serait une garantie de qualité du travail et de clarté des responsabilités que nous appelons de nos vœux, et avec nous de nombreuses autres intercommunalités et villes de France.

"[Nous souhaitons être] le premier territoire-pilote pour l’expérimentation de ce mode STOC-OI temporaire"

Grégoire de Lasteyrie

Président de la CA Paris-Saclay, maire de Palaiseau

C'est aussi l'esprit de la PPL – proposition de loi, ndlr – Chaize pour laquelle nous avons été auditionnés par le Sénat. Cette proposition de loi vise en effet à encadrer le mode STOC classique, mais elle prévoit aussi que les opérateurs d'infrastructure doivent mettre en place un guichet unique pour recevoir les doléances des abonnés et que, lorsque les défaillances atteignent un certain seuil, le mode STOC est interdit et c'est le mode STOC-OI qui s'impose. Nous souhaitons maintenant que l’Arcep travaille avec l’agglomération pour définir ces fameux seuils et que nous soyons le premier territoire-pilote pour l’expérimentation de ce mode STOC-OI temporaire.

En 2011, les élus locaux ont transféré la compétence au SIPPEREC. Est-ce un inconvénient aujourd'hui ?

Grégoire de Lasteyrie : Vous avez raison de souligner que l'agglo – la communauté d'agglomération Paris-Saclay, ndlr – avait transféré sa compétence de déploiement de la fibre optique au SIPPEREC, un grand et puissant syndicat, parfaitement qualifié pour assumer cette tâche. Le SIPPEREC est donc en mesure également de prendre des initiatives via à vis de l'Arcep, de l'opérateur d'infrastructure et des opérateurs commerciaux pour que cessent les dégradations et que le service soit enfin rendu de manière convenable.

Cependant, nous restons de fait, juste après les communes, les premiers interlocuteurs des habitants lorsqu'ils subissent les lourds préjudices d'une perte de connexion internet pendant des jours, des semaines voire des mois ! C'est pourquoi nous sommes nous-mêmes montés au créneau, avec les maires, pour nous faire les porte-paroles des habitants et des entrepreneurs sinistrés et excédés.

"Nous demeurons extrêmement vigilants et nous maintenons la pression pour que cette remise à niveau soit réalisée dans les meilleurs délais"

Grégoire de Lasteyrie

Président de la CA Paris-Saclay, maire de Palaiseau

Au-delà de la question de la qualité des raccordements, il reste aujourd'hui à remettre en état le réseau défaillant ou sous-capacitaire installé dans un certain nombre de nos communes, sous l'égide du SIPPEREC, par Altitude Infrastructure. Nous demeurons extrêmement vigilants et nous maintenons la pression pour que cette remise à niveau soit réalisée dans les meilleurs délais. Nous attendons du SIPPEREC qu'il se montre aussi réactif et pugnace que nécessaire, pour que le réseau déployé dans nos communes soit au niveau de qualité requis.

Voyez-vous d'un bon œil la PPL Chaize ? Si elle ne vise pas à remettre en cause le mode STOC, est-il tout de même envisagé d'en sortir ?

Grégoire de Lasteyrie : Malheureusement, nous ne pouvons pas, en l’état, imposer à nos délégataires de supprimer le mode STOC. Cela doit passer par la cadre d’une expérimentation de l’Arcep que nous appelons de nos vœux.

"Cela doit passer par la cadre d’une expérimentation de l’ARCEP que nous appelons de nos vœux"

Grégoire de Lasteyrie

Président de la CA Paris-Saclay, maire de Palaiseau

C’est d’autant plus dommageable que les opérateurs d’infrastructure avaient débuté à partir de 2022, sous la pression de nos actions, d’importants travaux de remise en état du réseau et que ces travaux sont déjà mis à mal à certains endroits par l’intervention de techniciens indélicats qui saccagent de nouveaux les armoires et les boîtiers ! Voilà la réalité du mode STOC !

L'État et l'Arcep seraient trop complaisants avec les opérateurs commerciaux au sujet de la sous-traitance. Quelle est votre position ?

Grégoire de Lasteyrie : Nous sommes parfaitement conscients que le manque de contrôle et de formation des sous-traitants est l’une des causes des nombreuses défaillances de notre réseau. Néanmoins, nous refusons de croire que les opérateurs commerciaux n’aient pas les capacités pour mieux les encadrer ou limiter au maximum les rangs de sous-traitances mobilisés.

Nous sommes parfaitement conscients que le manque de contrôle et de formation des sous-traitants est l’une des causes des nombreuses défaillances de notre réseau

Grégoire de Lasteyrie

Président de la CA Paris-Saclay, maire de Palaiseau

Dans le cadre de notre plainte pénale, notre objectif est aussi bien d’identifier les intervenants indélicats que de sanctionner également les donneurs d’ordres qui signent les bons d’interventions de ces techniciens.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité