Pour réclamer des revalorisations financières et alerter sur les pénuries de médicaments, les pharmaciens sont appelés à faire la grève des gardes ce week-end avant de fermer toutes les officines le 30 mai.
À partir de demain samedi et pendant trois jours, "90 % des pharmaciens ont annoncé dans l'Essonne une grève des gardes", déclare cette pharmacienne de ce département décidée, elle aussi, à s'engager dans le mouvement.
Dans l'Essonne comme au plan national, l'USPO, l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine très représentatif en Île-de-France, a appelé à cette grève jusqu'au lundi de Pentecôte. Le mouvement n'aura que peu d'impact pour les usagers, car les officines devraient être réquisitionnées par les préfectures.
Il n'empêche pour ces pharmaciens, c'est un coup de semonce avant une grande journée d'action prévue le jeudi 30 mai. Les principaux syndicats représentatifs, l'USPO et la FSPF, la Fédération des pharmaciens d'officine ont annoncé une mobilisation plus large, appelant les quelque 20 000 officines recensées en France -16 % en Île-de-France - à fermer leurs portes toute la journée.
Moins de marges, plus de charges
L'une des principales revendications des pharmaciens porte sur le montant de l'enveloppe des revalorisations financières proposée par l'assurance-maladie et notamment les marges sur les médicaments vendus aux patients.
La dernière réunion multilatérale avec l'assurance-maladie dans le cadre des négociations conventionnelles ouvertes fin 2023 a clairement mécontenté la profession. La proposition de revalorisation par l'assurance-maladie est "inférieure" au milliard d'euros supplémentaire par rapport à 2019 que les syndicats espéraient pour le réseau en 2023.
A son selon niveau, Delphine Chadoutaud installée à Orsay dans l'Essonne et représentant USPO dans le département redoute un manque de financement pour son officine. "On a une telle augmentation des charges - le loyer, les factures EDF- qu'on ne peut plus y faire face. Donc, il faut absolument qu'on ait des revalorisations de nos marges d'autant qu'on nous demande de plus en plus de compétences, de plus en plus de nouvelles missions pour pallier la carence en médecins".
"Les pharmaciens ont perdu beaucoup de marges avec notamment les baisses du prix des médicaments", renchérit cet autre professionnel installé en Seine-et-Marne. Olivier Godart, co-président du même syndicat, en charge d'une pharmacie à Fontenay-Trésigny alerte également sur la pénurie de certains médicaments. "Par exemple pour le diabète, il me manque des dosages selon les marques et ça nous fait perdre un temps de fou, on passe du temps au téléphone à chercher. Et surtout, on explique aux gens comment faire pour qu'ils retombent sur le même dosage dont ils ont besoin. Bref, c'est très compliqué."
"Des fermetures sèches sans repreneur"
En observant une grève des gardes le week-end de la Pentecôte, les pharmaciens veulent sensibiliser la population à la dégradation économique de leurs officines et au risque de fermeture.
Selon l'Ordre national des pharmaciens qui publie chaque année un état des lieux de la démographie des pharmaciens en exercice en France. Au 1er janvier 2023, le nombre officines en activité en France métropolitaine a baissé de 0,9 % par rapport à 2021. Le nombre de pharmaciens titulaires est en décroissance de 10 % sur 10 ans, estime ce rapport.
Ce que révèlent les chiffres en 2022, c'est l'accélération des fermetures sèches sans repreneur", analyse Bénédice Bertholom, directrice générale de l'Uspo. "En janvier 2024, on a eu 36 fermetures en un mois, donc ça veut dire que plus d'une officine ferme par jour. Il y a certes des regroupements économiques d'officines, mais il y en a beaucoup qui ont une fermeture sèche sans repreneur."