L'ancien cheminot est la seule personne jugée. Il encourt jusqu'à 3 ans d'emprisonnement pour "homicide involontaire" pour le déraillement du train qui avait fait 7 morts et 400 blessés.
L'ultime tournée de surveillance, effectuée huit jours avant la catastrophe ferroviaire de Brétigny, nécessitait-elle deux cheminots ? L'ex-cheminot l'ayant réalisée a assuré mercredi, devant le tribunal d'Évry, avoir pu y consacrer toute son attention, même seul.
À l'époque dirigeant de proximité, il encourt jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour "homicides involontaires" et "blessures involontaires", après le déraillement d'un train en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne) en 2013, qui a fait sept morts et plus de 400 blessés, physiques et/ou psychologiques.
Le retournement d'une éclisse, sorte de grosse agrafe reliant deux rails, a causé l'accident. Au moment des faits, Laurent avait 24 ans et dirigeait une vingtaine d'agents chargés de la maintenance du secteur.
Il est jugé aux côtés de deux autres prévenus en tant que personnes morales : la SNCF (héritière pénalement de SNCF Infra, chargée de la maintenance) et le gestionnaire de voies SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France).
"Appréciation fautive"
Les magistrats instructeurs, en charge de l'enquête, lui reprochent une "appréciation fautive", celle d'avoir effectué "seul la dernière inspection des voies", avec une attention "manifestement insuffisante". À leurs yeux, le cadre aurait dû être accompagné d'un annonceur, c'est-à-dire une personne chargée de guetter l'arrivée des trains pendant que lui vérifiait l'appareil de voie.
À la barre, Laurent assure que son attention n'a pas été entachée par l'absence d'annonceur. Il explique avoir "jeté un coup d'œil au panneau d'affichage" pour savoir quand les trains arrivaient. "J'avais dans ma tête le cadencement des trains pour les deux prochaines heures", assure-t-il. "Vous avez retenu les informations pour les quatre voies ?", s'étonne la présidente de la chambre, Cécile Louis-Loyant.
"Non, (...) j'ai regardé pour les voies où des trains allaient arriver à court terme, puis j'ai regardé la voie où j'allais cheminer". Le fait d'être seul a allongé la durée de sa tournée, "mais en aucun cas" cela n'a "affecté des aspects techniques".
"Fossé économique entre les parties"
Un avocat des parties civiles l'interroge sur un référentiel évoquant des tournées à réaliser à deux. "J'ignorais ce document" à l'époque, répond Laurent, assurant qu'il n'aurait "pas volontairement dérogé au règlement".
La présidente a relevé la multitude de référentiels et normes cités par les uns et les autres, appelant les parties à ne pas "noyer le tribunal" de documents, comme l'ont été les juges d'instruction pendant l'enquête.
"L'agent en tournée a une certaine faculté d'organisation", tente de résumer à la barre Alain Autruffe, représentant légal de la SNCF. "Le référentiel national n'oblige pas qu'il soit obligé d'être accompagné d'un annonceur."
Par ailleurs, Laurent, le cheminot jugé, a expliqué se limiter à "une inspection visuelle complète de la voie et des abords", alors qu'il demandait "systématiquement un annonceur, voire deux" pour les tournées de ses agents qui, contrairement à lui, "pouvaient devoir intervenir immédiatement" en effectuant des réparations sur la voie.
"C'est vous qui, selon le profil de chacun des membres de votre équipe, ajustiez au mieux les compétences avec les missions", note la présidente.
"Dans ma tête, chaque agent que j'avais, j'avais une matrice de compétences", répond le dirigeant, précisant qu'il s'occupait parfois lui-même de chantiers que cet ingénieur jugeait "trop complexes". Depuis son ouverture fin avril, ce procès est également le théâtre d'échanges acerbes.
Mercredi, une avocate des parties civiles a souligné la problématique du "fossé économique" entre les avocats de la défense et ceux des familles de victime.
"Tant mieux si la défense connaît par cœur" les pièces du dossier, mais il faut cesser "d'insulter les avocats des parties civiles, comme si nous n'avions pas travaillé" du tout : "oui, nous n'avons pas pu travailler le dossier de la même manière", mais nous n'avons pas le "même luxe économique dans ce dossier".