Trois associations plaident pour une réévaluation de l'agenda et des critères appliqués aux véhicules dans les zones à faibles émissions (ZFE) qui encadrent la circulation des véhicules jugés les plus polluants dans les agglomérations.
Après la révision des vieilles voitures, c'est au tour des zones à faibles émissions (ZFE) de passer au contrôle technique des associations. Car d'ici au 1er janvier 2025, tous les véhicules classés Crit'Air 3 ou plus seront interdits de circulation dans cinq agglomérations dont Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg et Rouen. Dans 43 autres métropoles, qui seront également soumises au dispositif de ZFE, la circulation sera interdite aux véhicules les plus polluants, selon des modalités établies par les agglomérations.
Un dispositif qui interroge, alors que des SUV lourds et polluants seront autorisés dans ces zones, tandis que des véhicules plus légers mais plus anciens se verront interdire l'accès. "Il y a une incompréhension des citoyens qui voient des SUV polluants classés en Crit'Air 1 car ils sont plus récents, alors que leurs véhicules bien plus légers sont classés en catégorie 2 ou 3", raconte Tony Renucci, directeur général de l'association Respire.
Intégrer le poids du véhicule
C'est pourquoi les associations proposent de réviser l'attribution des vignettes Crit'Air en intégrant le poids des véhicules. "C'est dans un souci de justice sociale que nous proposons la mise en place d'un système de bonus-malus. Les véhicules thermiques lourds de plus de 1400 kg seraient rétrogradés en Crit'Air 2 ou 3. Et les véhicules plus légers de Crit'Air 3 auraient une bonification en Crit'Air 2", détaille le président de Respire. Une mesure qui permettrait aux familles les plus précaires, frappées aux portefeuilles par les obligations de la ZFE, de disposer de plus de temps pour acquérir un véhicule moins émetteur.
À Paris, l'interdiction de circulation des Crit'Air 3 a plusieurs fois été reportée, initialement prévue en juillet 2022, puis juillet 2023, la date du 1er juillet 2025 est désormais sur la table. Le vote pour en décider devait se tenir le 30 juin dernier, il a été ajourné en raison des émeutes.
La pérennité des ZFE en danger ?
Depuis six mois, les associations Respire, la Fabrique des Mobilités et Clean Cities Campaign travaillent de concert à l'élaboration d'un livre blanc publié ce mardi et intitulé "Pour des ZFE saines et justes : anticiper la transition des mobilités".
Dans ce rapport, les trois associations, qui se mobilisent pour une meilleure qualité de l'air en ville, livrent leur stratégie à long et court terme. L'occasion de donner des mesures concrètes pour les ZFE actuelles ou à venir, alors que le risque de les voir "vider de leur substance" inquiète.
"Aujourd'hui nous constatons que les ZFE cristallisent les positions dans le débat public. Il y a une véritable opposition qui est, selon nous, souvent liée à une incompréhension et à la complexité du dispositif", explique Antoine Dupont, directeur général de la Fabrique des Mobilités. Autant de flous qui pourraient faire "louper le coche" de la lutte contre la pollution de l'air, alors que près de 48 000 personnes en meurent prématurément en France chaque année selon une étude de santé publique France.
Ces préconisations, à destination du gouvernement et des collectivités territoriales, plaident ainsi pour la création d'un calendrier unifié, qui permettrait une planification nationale des ZFE. Pour les associations, ce calendrier uniformisé à l'échelle nationale éviterait les confusions, rendrait le dispositif plus opérant et permettrait une meilleure planification à long terme.
Un système de solidarité entre professionnels et particuliers
Mais ce n'est pas tout. Dans ce livre blanc, les associations préconisent de "stimuler le marché de l'occasion en s'appuyant sur les flottes automobiles professionnelles". Ces derniers étant les premiers acheteurs de véhicules neufs, l'idée serait qu'ils investissent dans des flottes neuves, légères et peu polluantes, qui pourraient d'ici trois à quatre ans être revendues sur le marché de l'occasion aux particuliers qui n'ont pas les moyens d'acheter neuf. Ce renouvellement du parc automobile est d'autant plus important que le secteur des transports est le plus polluant en matière d'émissions de gaz à effet de serre, comme le rappelle Antoine Dupont.
Pour ce faire, une "stratégie industrielle nationale de production de véhicules légers" est également préconisée par le livre blanc.
D'autres mesures sont également préconisées, comme celle visant à "adopter une vision systématique de la planification des mobilités". Autrement dit, les associations plaident pour une réflexion de long terme sur l'ensemble des mobilités : transports alternatifs, vélos, intermodalité. "Il faut une loi de programmation des investissements, de sorte à savoir comment l'argent va être affecté, quels investissements vont être faits pour favoriser les transports en commun", détaille Tony Renucci. En février dernier, la première ministre Elisabeth Borne avait annoncé un plan d'investissement de 100 milliards d'euros d'ici à 2040 pour favoriser le transport ferroviaire de proximité.
Autant de mesures qui pourraient donner des idées à la ZFE parisienne, qui encadre depuis sa mise en place en 2015, 77 communes comprises à l'intérieur de l'autoroute A86. 5,6 millions de Franciliens sont concernés.