Gotlib : un gamin d’Paris

Le demi-dieu de la BD n’est plus. Si Gotlib a lâché ses crayons dans les années 80, le gamin d’Paris vient de rejoindre ses maitres dans le panthéon du 9ème art. Avec Gai Luron, Hamster Jovial et Super Dupont, le dessinateur fondateur de Fluide Glacial sera bien entouré.

Depuis le début des années 80, il vivait une retraite méritée loin des crayons et des gommes, dans les Yvelines. Sa carrière a commencé quand il a passé la porte de Pilote « Mâtin quel journal ! ». Aussitôt engagé par René Goscinny, il crée alors avec son patron les Dingodossiers, un concentré d’humour absurde et caustique (« Pourquoi les paquebots ont 3 cheminées ? parce que transatlantique ! »).
Il enchaine seul la Rubrique-à-Brac (RAB pour les intimes dans laquelle on apprend « comment reconnaître un mutant à sa façon de plier une carte routière »). Ses premiers personnages récurrents crèvent les planches : Isaac Newton, Commissaire Bougret et surtout son alter ego la Coccinelle.

En 1972, c’est l’aventure de l’Echo des Savanes qui commence avec Claire Bretécher. Mais là où il va donner tout son talent et lancer des générations de dessinateurs, c’est en 75, avec Fluide Glacial, « magazine d'Umour et Bandessinées ». Apparaissent alors les personnages qui ont contribué à sa gloire : Gai Luron, Superdupont ou Pervers Pépères.

S’il a rendu son dernier dessin dans le magazine en 1986, c’est une page plus personnelle de son histoire qui nous a été révélée en 2014 au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme. ► Voir le reportage de Didier Morel et Olivier Badin 

Il était né un jour de fête nationale, le 14 juillet 1934, à une période qui n’était plus vraiment à la fête. Marcel Mordekhaï Gottlieb (L’orthographe de son vrai nom) est né au sein d’une famille juive hongroise. C’est dans les années 20 que ses parents avaient choisi d’immigrer à Paris dans le quartier de Montmartre. Son enfance heureuse est bouleversée par l’obligation de porter l’étoile jaune, un épisode qu’il raconte dans son autobiographie J’existe, je me suis rencontré :

« J’avais huit ans, et je ne savais pas que j’étais juif moi-même. A l’école, les copains ne parlaient que de ces pourris de youpins, répétant probablement ce qu’ils entendaient de leurs parents. Comme je ne savais pas trop qui étaient ces salauds, j’avais tendance à opiner du bonnet, pour ne pas avoir l’air con. Un beau jour, quand ma mère m’a cousu l’étoile jaune, l’étoile de shérif comme disait Gainsbourg, j’ai réalisé que je faisais partie des salauds de pourris de youpins en question. Pour employer un euphémisme … ça m’a fait un choc. »

La disparition de son père, Ervin, arrêté en septembre 1942 par la police française, conduit à Drancy puis déporté, constitue le second « choc »  pour le jeune Marcel. La famille ne reverra plus celui qui en 1939 s’était engagé volontairement dans l’armée française.
Cet événement fondateur est une pierre angulaire de l’œuvre de Gotlib.
La question du rire chez lui est intimement liée au paradis perdu de l’enfance et au traumatisme de la Shoah. C’est qu’a magnifiquement mis en lumière l’exposition au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris pour fêter ses 80 ans.

L’histoire retiendra que le gamin d’Paris a choisi de s’éteindre le 14e jour de Frimaire, officiellement le jour du sapin, dans le calendrier républicain, ou autrement dit, de livrer son bouquet final, le 4 décembre, jour de la Sainte Barbe, comme un pied de nez aux artificiers.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité