"Grève sanitaire" dans le monde enseignant : "la colère continue de monter"

Tentatives de blocage dans les lycées, écoles fermées, manifestation à Paris… Les syndicats du monde enseignant ont appelé à mener une "grève sanitaire" ce mardi, pour demander un renforcement du protocole sanitaire et davantage de moyens.

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Ils avaient appelé à une grève "massive" : ce mardi après-midi à Paris, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées boulevard Raspail. Une intersyndicale (CGT Educ’action, FNEC FP-FO, FSU, SNALC et SUD éducation) avait donné rendez-vous dès 14h sur place, à proximité du ministère de l’Education nationale.


Plus tôt dans la journée, les élèves de plusieurs lycées parisiens ont tenté de bloquer l’entrée de leur établissement, pour dénoncer l’insuffisance du protocole sanitaire. Le lycée Racine (VIIIe), le lycée Charlemagne (IVe), le lycée Bergson (XIXe), le lycée Brassens (XIXe)… Une intervention des forces de l'ordre a notamment eu lieu devant le lycée Colbert, dans le Xe. La semaine dernière, des élèves avaient déjà lancé un blocage de cet établissement.

"On n’en peut plus, aidez-nous, c’est juste ça leur message, a lancé ce matin Aimel Chabi, la coprésidente de la FCPE du lycée Colbert, en soutien aux jeunes. Donnez-nous des moyens pour qu’à l’école on réussisse. Beaucoup ont été dans une précarité, avec les cours à distance, tout le monde n’a pas les mêmes chances. Donc malheureusement beaucoup ont pris du retard."

La "grève sanitaire" lancée ce mardi par les syndicats a été maintenue malgré des annonces de Jean-Michel Blanquer, jeudi dernier. Le ministre de l’Education nationale – qui faisait déjà face à la colère du monde enseignant – avait présenté un renforcement du protocole sanitaire, en autorisant davantage de cours à distance dans les lycées, à condition de conserver au moins 50% d'enseignement en présentiel pour chaque élève.

"Les enseignants ne sont pas sereins quand ils travaillent"

Mise en place de demi-groupes au collège, allégements d’effectifs, embauches pour pallier les absences de personnels malades et ou vulnérables… Les enseignants, qui dénoncent l’impossibilité de faire respecter les mesures barrière, réclament un renforcement plus large du protocole ainsi que des moyens supplémentaires.

"C’est la première fois que je vois autant de collègues grévistes, explique Aurélie Brevet, professeur d’anglais au collège Léon Blum de Villepreux (Yvelines). Dans mon établissement, on est 50% de grévistes. On revendique un changement dans le protocole sanitaire actuellement appliqué dans les écoles et les collèges, en passant notamment au dédoublement comme c’est appliqué depuis hier dans les lycées. Entre des classes surchargées de 30-35 élèves, des enfants en primaire qui commencent tout juste à porter le masque, et des collégiens qui portent le masque comme ils peuvent, ou comme ils veulent… Les enseignants ne sont pas sereins quand ils travaillent, enfermés dans des locaux avec peu d’espace et peu d’aération."

Les enseignants veulent que les écoles restent ouvertes, mais ils veulent pouvoir exercer leur métier dans des conditions acceptables

Militante au sein du mouvement des Stylos rouges, et syndiquée au SNES-FSU, cette enseignante, déplore un "manque de considération" et un "mépris" de la part de Jean-Michel Blanquer, "qui tourne en boucle dans les médias" : "Dans mon collège, on a par exemple 500 demi-pensionnaires. Pour manger, même en faisant deux groupes de 250 élèves, les classes sont mélangées et les distances ne peuvent pas être respectées. Il y a parfois des tables de 12 personnes, tout le monde est collé, sans masque. Même quand on se retrouve avec 30 adolescents dans une pièce de 30m2, ils restent très proches… On marche sur la tête."

Selon Aurélie Brevet, "les enseignants veulent que les écoles restent ouvertes, mais ils veulent pouvoir exercer leur métier dans des conditions acceptables, pour les élèves et pour eux".

"Il y a énormément d’enseignants absents à cause du Covid... Et ils ne sont pas remplacés"

La colère touche aussi les écoles primaires et maternelles. Le manque de personnels enseignant est pointé du doigt. "Il y a énormément d’enseignants absents à cause du Covid, parce qu’ils sont cas contacts par exemple, et ils ne sont pas remplacés, explique Stéphanie Fouilhoux, déléguée SNUipp-FSU, à l’école Saint-Léger de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). J’ai une enseignante qui est absente pour maladie depuis avant les vacances, et qui n’est toujours pas remplacée. Chaque jour, on doit répartir les enfants dans les classes."

Par exemple à Saint-Denis, les 15 enseignants de l’école primaire Honoré de Balzac ont tous cessé le travail. L’établissement restera fermé toute la journée.

Pour ce qui est de l’ampleur de la mobilisation, alors que le rectorat annonçait par exemple ce matin vers 10h autour de 15% de grévistes dans les collèges parisiens, certains enseignants dénoncent des chiffres "faussés". "Les chiffres du ministère sont infondés puisqu’ils établissent une moyenne à partir de l’ensemble des personnels qui travaillent dans la semaine dans un établissement donné, en prenant donc en compte les enseignants qui ne sont même pas de service aujourd’hui, critique Grégory Thuizat, professeur dans un collège à Saint-Denis et cosecrétaire du SNES 93. Les chiffres sont travestis, c’est en totale déconnexion avec la réalité."

On ne demande pas la fermeture des établissements, on est conscient des conséquences désastreuses que cela entraîne pour les jeunes.

Grégory Thuizat indique qu’à 11h30, le SNES a compté un peu plus de 50% de grévistes pour le secondaire (collèges, lycées et centres d'information et d'orientation (CIO)). Le cosecrétaire du SNES 93 annonce que, sans réponse de la part du ministère, le mouvement continuera à s’amplifier : "Jean-Michel Blanquer refuse jusqu’ici tout dialogue, il y a un déni de réalité. On ne demande pas la fermeture des établissements, on est conscient des conséquences désastreuses que cela entraîne pour les jeunes. Notre volonté est de les maintenir ouverts le plus longtemps possible."

Et de poursuivre : "Mais si le ministre n’écoute pas nos revendications, qui sont tout sauf extravagantes, il y a deux possibilités. Première option : avec la contagion, la multiplication des cas mènera à la fermeture des établissements, on fonce droit dans le mur. Deuxième option : l’intersyndicale sera de plus en plus large, et ne concernera pas que les enseignants mais aussi d’autres personnels, notamment à l’hôpital. La colère continue de monter." En attendant de nouvelles réponses de la part du gouvernement, les tensions restent fortes dans le monde enseignant.
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