Habiter un monument historique : vie de seigneur ou vie de galères ?

Près de 4000 bâtiments sont classés monuments historiques rien qu’en Île-de-France. La moitié de ces biens classés appartiennent à des particuliers ou des entreprises privées. Mais vivre dans un monument historique n’est pas toujours un conte de fées. Encore faut-il pouvoir s'offrir ce rêve et se payer la vie de château !

L'acquisition d’un bien classé peut aller de 1 euro à plusieurs millions d'euros.  En effet, tout dépend du contexte selon Patrice Besse, agent immobilier expert en patrimoine ​​historique : "On peut vendre une église, par exemple, dont un évêché ne voudrait plus et veut se débarrasser pour ne plus voir le coût d'entretien. On peut avoir un château même pour 1 € symbolique, parce qu'on a fait des cessions sous forme de baux emphytéotiques. Ce sont des baux sur des longues durées de 99 ans, alors on y fait un peu plus court en général, mais on peut avoir des choses pour vraiment pas cher du tout.”

Coup de poker ou petite entreprise ?  

De là à dire qu’investir dans un monument est rentable, il y a de la marge. Car l’immobilier historique n’est pas linéaire, il ne suit pas les cours du marché classique. Il y a peu de risque de perdre de l’argent, mais souvent peu de chance d’en gagner. Si on dénature complètement le bâtiment et tout à coup, on veut le revendre. Ce sera peut-être un peu compliqué, mais si on respecte le bâtiment, si on y fait des travaux adéquats, non, ce n'est pas risqué ” précise le spécialiste.

Alors pour rentabiliser leur investissement, la majorité des propriétaires développent des activités touristiques ou de loisirs dans leur monument, comme le constate Patrice Besse avec ses clients : “Il y a les sempiternelles chambres d'hôtes, mariages, séminaires… Mais on voit des gens qui font du coworking ou qui ont des sociétés de production audiovisuelle s'installer dans ces bâtiments. Et finalement, ça devient leur lieu de travail. Donc ça peut être tout à fait rentable d'avoir ces bâtiments.”

La vie de château a un coût

Mais encore faut-il avoir les moyens de ses ambitions, car détenir un monument classé implique des devoirs, notamment celui de veiller à préserver ce morceau de l'histoire de France en l’état. Et les travaux sont strictement encadrés  : il faut d'abord l'accord de la direction régionale des affaires culturelles. Puis, ils seront effectués sous le contrôle technique de l’architecte en chef des monuments historiques ou de l’architecte des bâtiments de France.

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Habiter un monument historique : vie de seigneur ou vie de galères ? ©France 3 PIDF

Il y a les aléas climatiques qui touchent beaucoup ces bâtiments, donc il y a beaucoup de choses à savoir. Il faut s'entourer de professionnels ” rappelle l’agent immobilier. Or les frais d’entretien et de réparations sont à la charge du propriétaire.  Mais celui-ci bénéficie de subventions de l’État et d’une déduction fiscale allant jusqu’à 50%. Attention, ce régime fiscal exige de conserver le bien au moins 15 ans avant de le revendre.

L’habit ne fait pas le moine, ni le seigneur en son donjon

Contrairement aux idées reçues, les acquéreurs de ces trésors de l'architecture d’antan ne sont pas tous des aristocrates. Mais tous ou presque sont férus d'Histoire. Ainsi, certains économisent toute leur vie pour s'offrir une pépite historique à leur retraite.   

J'ai l'exemple d'un couple de fonctionnaires qui était employé à la Poste tous les deux à des niveaux pas très élevés et qui, le jour où ils ont pris leur retraite m'ont dit on dispose de ça et on veut acheter un monument historique.” raconte le spécialiste de l'immobilier classé.   

À l’inverse, d’autres héritent d’un monument historique avec son lot de contrariétés. C’est le cas notamment de Bruno qui vit depuis ses 25 ans avec son frère et leur famille respective dans un donjon légué par leur mère. Construite au XIIᵉ siècle par le roi de France Louis VI le Gros, cette tour de château fort a été rachetée en ruines par sa famille en 1880.

Depuis 1928 qu’il est inscrit aux monuments historiques, le donjon a dû subir de nombreux travaux effectués sous le regard affuté des architectes des Bâtiments de France.

La tour de Bruno et ses petits tracas

Néanmoins, l'isolation reste loin d’être optimale comme en témoigne le propriétaire. Certaines fois, on chauffe une chambre, le salon et c’est terminé. On n'a pas les moyens financiers de tout chauffer. Donc ça, c'est quand même un inconvénient. À savoir que l'entretien quotidien d'un donjon comme celui-ci, ce sont des fuites régulières, des problèmes de tuyauterie en plomb qu'il faut changer, des problèmes d’huisseries, des problèmes de fuites sur les toits” rappelle Bruno.

Pour amortir les coûts d’entretien de ce “boulet” comme dit sa femme, Bruno n’a eu d’autres choix que d’y développer des activités lucratives. Ainsi, son lieu de vie atypique sert aussi de chambre d'hôtes, de lieu de tournages, de shooting photos, de mariages et autres festivités mondaines lucratives.

Cette contrepartie financière lui permet de ne pas être contraint de vendre son donjon. Car sa valeur est d’autant plus inestimable qu’elle reste sentimentale...

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