Alors que des perquisitions ont été menées cette semaine au siège de Nestlé à Issy-les-Moulineaux, trois nouveaux cas d’infections à la bactérie E. Coli ont été confirmés en région parisienne. La CGT pointe du doigt la responsabilité des industriels mais aussi celle des pouvoirs publics.
Avec un total de neuf cas sur son territoire, l’Île-de-France est à ce stade le deuxième département le plus touché par l’épidémie après les Hauts-de-France. On compte quatre nouveaux cas confirmés de contamination à la bactérie Escherichia coli (E.coli), en lien avec la consommation de pizzas Buitoni. Trois de ces nouveaux cas ont été identifiés en région parisienne.
Au total, 53 cas - dont 52 concernent des enfants - ont été confirmés au niveau national, d’après le dernier point de Santé Publique France. Deux enfants sont morts. A noter toutefois que "le nombre de cas semble se stabiliser" depuis quatre semaines, selon l’établissement public. 26 autres cas sont encore à l’étude.
L’un des deux enfants décédés habitait en Île-de-France, selon Me Pierre Debuisson, avocat des proches de la victime. "Cette famille s'est retrouvée face à un dilemme incroyable et abominable. Leur fils de huit ans s'est retrouvé en état de mort cérébrale. Les médecins ont dû demander aux parents de choisir le moment où ils débrancheraient leur enfant. Et ça, c’est inacceptable. Ça aurait pu et ça aurait dû être évité, si Nestlé n’avait pas eu ce comportement de négligence totale et absolue", explique le conseil à France Bleu Paris.
Le siège de Nestlé perquisitionné à Issy-les-Moulineaux
Le 18 mars dernier, la marque Buitoni, propriété du groupe Nestlé, a annoncé le retrait-rappel des pizzas de sa gamme Fraîch'Up commercialisées depuis juin 2021. Les autorités ont ainsi demandé aux personnes qui ont acheté ces produits de ne pas les consommer, et de les jeter.
En cas de consommation des pizzas concernées par le rappel, les autorités ont par ailleurs rappelé la nécessité de consulter un médecin en cas d'apparition de certains symptômes : des diarrhées, des douleurs abdominales ou des vomissements, dans les 10 jours ; ou des signes de grande fatigue, de pâleur, ou une diminution du volume des urines, qui deviennent plus foncées, dans les 15 jours.
Du côté de la justice, des gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) ont conduit ce mercredi des perquisitions au siège social de Nestlé, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). D’autres perquisitions ont eu lieu en parallèle sur un site de production des pizzas surgelées Fraich'Up du Nord, à Caudry près de Cambrai. "Nous continuons à coopérer pleinement avec les autorités pour assurer le bon déroulement" de l'enquête, a alors indiqué à l'AFP un porte-parole de Buitoni.
Depuis le 1er avril, la ligne de production de pizzas dans l'usine en question est à l’arrêt, suite à un arrêté préfectoral. Un document qui mentionnait entre autres le "manque d’entretien et de nettoyage des zones de fabrication, de stockage et de passage", ainsi que "la présence de rongeurs et l’absence de moyens de protection contre l’entrée des nuisibles".
La CGT dénonce "une productivité à outrance" et "un trop faible nombre de contrôleurs"
De son côté, la CGT Agroalimentaire dénonce un "scandale alimentaire" lié l’"avidité" du groupe Nestlé. Dans un communiqué, le syndicat pointe du doigt "la polyvalence à outrance, la flexibilité, la précarité" et "des négligences". "La politique du groupe avec le social au rabais, les conditions de travail déplorables, l’externalisation et la précarisation sont les causes de désastres industriels, explique la CGT Agroalimentaire. Le nettoyage de nuit, réalisé par des hygiénistes a disparu, remplacé par de la production. Les salariés peu formés doivent assurer comme ils le peuvent. Les responsabilités doivent être établies au plus tôt. L’autocontrôle, dont le patronat vante les mérites, doit céder la place à de véritables contrôles publics renforcés."
Marise Treton, secrétaire de la Fédération Nationale Agroalimentaire de la CGT, pointe du doigt le manque de moyens en place pour mener des contrôles sanitaires : "Il y a la responsabilité des industriels, avec une course au profit maximum. On réduit tout ce qui ne relève pas du temps de production. Il y a aussi une grande responsabilité du côté des pouvoirs publics qui se reposent sur les autocontrôles, avec une quasi-disparition des contrôles publics et un trop faible nombre de contrôleurs."
"On peut avoir des produits alimentaires industriels de qualité, avec des formations correctes, des contrôles, des entretiens, un niveau de nettoyage suffisant... Mais ce n’est pas compatible avec une productivité à outrance", ajoute-t-elle. Alors que l’usine est à l’arrêt, Marise Treton regrette par ailleurs que les "salariés paient la note, alors qu’ils ne portent aucune responsabilité dans cette affaire" : "Ils ont travaillé en subissant des cadences infernales. Nestlé doit maintenir les salaires et les rémunérations, et ne pas imposer des congés payés."
Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris le 22 mars pour "tromperie sur une marchandise, exposition ou vente de produits alimentaires corrompus ou falsifiés et nuisibles pour la santé, mise sur le marché d'un produit préjudiciable à la santé, mise en danger d'autrui, blessures involontaires et homicides involontaires". Les investigations se poursuivent.