Procès de Monique Olivier : "Jamais je n’ai vu la moindre larme perler au coin de ses yeux"

Cette première semaine d'audience au procès de Monique Olivier a été marquée par les témoignages des magistrats et policiers qui ont contribué aux enquêtes sur les crimes commis par Michel Fourniret et Monique Olivier. Tous brossent le tableau d'une femme sans empathie, sans affects ni remords.

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Monique Olivier, 75 ans, a le visage banal d’une madame tout le monde. D’une paisible grand-mère au dos vouté et à la silhouette légèrement empâtée. Quasi immobile dans sa cage vitrée de 6 mètres carrés, sans un regard pour le monde qui l’entoure, elle affiche depuis le début du procès un visage impassible, insondable, malgré les horreurs exposées. Haussant parfois les épaules face au portrait peu flatteur que font d’elle les témoins qui défilent à la barre. Seules ses mains tremblantes qu’elle ne cesse de presser trahissent peut-être une émotion, ou un signe de vieillesse tout simplement. 

Pour les policiers et les magistrats qui l’ont côtoyé, Monique Olivier est une énigme. "Je ne suis pas dans sa tête" finissent-ils inéluctablement par lâcher au cours de leurs dépositions. Comme incapables d’expliquer l’inexplicable. De comprendre comment cette mère de famille a pu commettre l’indicible en secondant pendant seize ans son ancien mari décédé en 2021, Michel Fourniret.

Certes, tous le reconnaissent, sans Monique Olivier et ses premiers aveux passés en juin 2004 après un an d'interrogatoires, Michel Fourniret aurait pu poursuivre son parcours criminel. Sans elle, aucune famille n'aurait su le sort funeste réservé à leur enfant. Mais sans son assentiment, sans sa participation, pas de crime non plus selon l'ancienne procureur de Charleville-Mézières, Anne Devigne. "C’est la rencontre de l’un et de l’autre, leur dynamique de couple. Sans elle, iI aurait certainement continué ses agressions sexuelles mais n’aurait peut-être eu l’audace d’aller aussi loin. Elle a donné cette assise à Michel Fourniret. Elle lui était indispensable."

Une analyse partagée par son ancien collègue Francis Nachbar. Pendant quatre ans, le magistrat a rencontré, interrogé Michel Fourniret et Monique Olivier jusqu'à requérir contre eux au procès de Charleville-Mézières. Procès à l'issue duquel ils ont été condamnés à la perpétuité. "J'ai traité Monique Olivier de monstre et cela m’a été reproché. Mais je le revendique encore aujourd’hui, s'emporte à la barre l'ancien procureur. C'est une femme dangereuse, coauteur de crimes épouvantables. Elle est équivalente à Fourniret dans l'inhumanité, la perversité, la méchanceté et la cruauté."

"Elle n’a jamais pleuré sur les victimes"

Aujourd’hui retraité, Daniel Bourgard était policier au SRPJ (Service régional de la police judiciaire) de Reims. En charge des enquêtes sur les assassinats de Céline Saison et de Mananya Thumpong en 2000 et 2001, il a contribué en 2004 au recueil des aveux de Monique Olivier, puis à celui de ceux de Michel Fourniret sur plusieurs crimes. L’homme était également présent lorsque Monique Olivier a reconnu les meurtres de Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish commis dans l'Yonne en 1988 et 1990. Une audition épuisante aux dires des acteurs de l'époque. Il faudra plus de onze heures pour extirper ses secrets à Monique Olivier. "Une audition de Monique Olivier, c’est 5 % de présence, 95 % d’absence, témoigne l’ancien commandant aux cheveux blancs. C’est extrêmement pénible, elle est bloquée on ne sait pas pourquoi. Puis elle repart. Non pas qu’elle ne veuille pas, qu’elle simule, mais c’est comme ça, c’est sa façon de s’exprimer."

L'audition est certes difficile, mais elle est circonstanciée. Devant des enquêteurs belges et français, Monique Olivier précise la façon dont les deux jeunes femmes ont été repéré, enlevé et tué. Elle reconnait avoir servi d'appât et donné son accord pour le rapt de Marie-Angèle Domèce. Elle reconnait avoir assisté au viol, à l'agonie puis à l'étranglement de Joanna Parrish dans la camionnette "Michel ne m'ayant pas demandé de descendre", expliquera-t'elle simplement, n'omettant rien des sévices infligés. Des propos restés gravés dans la mémoire de Daniel Bourgard. "Elle a entendu une gamine se faire massacrer mais lorsqu'elle raconte, elle ne manifeste aucun sentiment, aucune empathie, c’est impressionnant. Quand on lui demande pourquoi vous n’avez pas réagi, elle dit qu’elle avait peur et que si ce n’était pas elle, il en aurait trouvé une autre pour l’accompagner. A part pleurer sur elle-même, elle n’a jamais pleuré sur les victimes."

"Tout glissait sur elle comme sur les plumes d’un canard"

Monique Olivier avait-elle peur de Michel Fourniret, la raison pour laquelle elle a l'aurait laissé agir sans le dénoncer ? Non, pour l'ancienne procureur de Charleville-Mézières, Anne Devigne, devenue juge aux affaires familiales. "Elle savait résister et dire non. Elle savait se rebiffer. Il y avait là une dynamique de couple (...) Ce qui m’a toujours impressionné, c’est son absence totale d’empathie. Elle est toujours restée très lisse, sans émotion, sans affect. Tout glissait sur elle comme sur les plumes d’un canard." 

Catherine Bauret, 58 ans, inspectrice principale de la police judiciaire de Namur en Belgique, reste quand à elle marquée par la duplicité de Monique Olivier. "Il y a deux personnes en elle", décortique la policière qui a été la première à recueillir ses aveux. Elle l'a interrogé plus de 120 fois en deux ans et demi. "Jamais je n’ai vu la moindre larme perler au coin de ses yeux. Mais dès que l’audition était interrompue, c’était un changement de logiciel. Elle était détendue comme si nous n’avions pas passé huit heures ensemble. Elle récupérait très vite." C’est suite à la sonorisation de parloirs entre Michel Fourniret et Monique Olivier, en écoutant leurs conversations, que l'enquêtrice acquiert la conviction qu'elle a affaire à une personne aux visages multiples. "C’était frappant. Le ton très à l’aise, pas aussi soumis ou larmoyant que devant nous. Elle parlait d’égal à égal." 

A ce sinistre portrait dressé par les auxiliaires de justice, Monique Olivier, guère sollicitée par le président, continue d'opposer un visage de cire. Comme imperméable malgré l'émotion de certains témoins. La colère du procureur Nachbar, la tristesse de sa collègue Anne Devigne. "Après avoir traité ces affaires, j'ai été comme amputée de mes émotions, a reconnu cette dernière en s'excusant de s'épancher. J'ai connu un vide abyssal, la dépression. A ce moment-là, la vie était en noir et blanc. Personnellement je pense que Mme Olivier aurait pu prendre son courage et faire en sorte que ça cesse. Je pense qu’elle était partie prenante de ces crimes macabres."

Jugée pour complicité dans l’enlèvement et la séquestration d'Estelle Mouzin, l’enlèvement, le meurtre et le viol de Marie-Angèle Domèce et de Joanna Parrish, Monique Olivier encourt une nouvelle fois la réclusion criminelle a pérpétuité. Le verdict est attendu le 15 décembre. 

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