Entre un hommage à Samuel Paty revu à minima et de vives inquiétudes sur le nouveau protocole sanitaire, les enseignants pourraient faire grève ce lundi.
« De l’indignation et un profond sentiment d’incompréhension », explique avoir ressenti Delphine Romagny, représentante SNES-FSU dans les Yvelines, département où enseignait Samuel Paty face à la décision du ministère de l’Education nationale. Comme tous les enseignants, elle a appris par mail ce vendredi après-midi que la reprise des cours se ferait finalement à 8h. Annulée donc la concertation entre professeurs qui devait avoir lieu de 8h à 10h pour préparer ensemble l’hommage à leur confrère assassiné. «Tous les élèves reprendront les cours comme à l'habitude », écrit Jean-Michel Blanquer dans ce mail envoyé aux enseignants . Une minute de silence sera observée à 11 heures, après la lecture de la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs, « de préférence dans les salles de classe, et si les conditions sanitaires le permettent, dans la cour de l'établissement ».
«Ce qu’on voulait c’était avoir un temps entre adultes pour se concerter, voir comment mettre en place cet hommage et aussi anticiper certaines réactions des élèves », explique Delphine Romagny. «Nous avons aussi besoin de nous retrouver, on a tous été profondément choqué par ce qui s’est passé », poursuit-elle.
Au lycée Descartes à Antony, les enseignants ne savent pas encore à quelle heure, ils reprendront les cours lundi. « Le proviseur a envoyé un courrier aux parents d’élèves pour les prévenir que la rentrée était décalée à 10 heures pour laisser aux enseignants un temps pédagogique et un peu après nous avons reçu le mail du ministère indiquant une reprise des cours à 8 heures », déplore Olivier Chapuis, professeur de Lettres et représentant SNES. Très en colère, comme beaucoup de ses collègues, il n’est pas sûr de faire classe dans ces conditions. «Si on nous demande de venir normalement, je pense qu’on ne va pas reprendre », prévient-il. « On ne peut pas rendre un hommage de manière formelle et légère alors que ça a bouleversé tout le monde. Comment imaginer qu’on reprenne normalement ? », poursuit-il.
« Tout le monde est scandalisé que l’hommage soit ainsi minimisé»,
Son syndicat le Snes-Fsu a déposé un préavis de grève du 2 au 7 novembre. « Tout le monde est scandalisé que l’hommage soit ainsi minimisé », constate Frédérique Rolet, secrétaire générale du SNES-FSU
Un sentiment partagé par Nicolas Tsar, professeur dans un collège parisien et administrateur des stylos rouges. « Samuel Paty est mort pour la liberté d’expression, c’est quelqu’un qui avait des convictions fortes, on aimerait que l’hommage soit sérieux et respectueux. », défend-il. « Ils suppriment la concertation à 10 heures parce qu’ils ont peur qu’on parle du covid ! », poursuit –il.
A l'inverse, Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN (syndicat des chefs d'établissement), estime que « rassembler 150 professeurs lundi matin dans une salle n'était pas possible», et pour des questions de sécurité, « on n'aurait pas à prendre le risque de laisser des élèves dans la nature avant l'ouverture des portes des établissements».
Un nouveau protocole sanitaire pas assez renforcé ?
Car à leur colère s’ajoute des inquiétudes sur le prochain protocole sanitaire. « Il n’y a rien de nouveau ! Ils disent qu’il faut limiter le brassage mais comment ? On a le même nombre d’élèves, le même nombre de classes. C’est de la pure communication ! », dénonce Frédérique Rolet.Nicolas Tsar prévoit d’exercer son droit de retrait. « Je vais y aller lundi et je vais constater que ma santé est en danger, que la distanciation sociale n’existe pas », prévient-il.
Il appelle comme plusieurs syndicats enseignants à la mise en place de demi-groupes. « Le but, c’ est de maintenir les établissements ouverts. Si on ne fait rien de plus qu’avant, on va devoir fermer dans un moment », met en garde Frédérique Rolet.